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Quels étaient ces agitateurs qui remplissaient les rues et ne voulaient point perdre cette occasion d’essayer leurs forces ? Ce n’étaient point assurément des partisans du régime constitutionnel. Les députés eux-mêmes essayaient inutilement de les apaiser et de faii4e tomber les armes de leurs mains. Le vieux général Gabriel Pepe, qui venait d’être mis à la tête de la garde nationale, était envoyé vers eux et était insulté comme un traître. Qui prenait la triste initiative de cette lutte ? C’est ce qu’on n’a pu savoir. Le feu commençait à onze heures du matin, et dès lors Ferdinand était tout entier au combat. « Les premiers coups de feu lui rendirent toute sa résolution, » a dit un officier des régimens suisses dans une relation de ces événemens. Il repoussait les ministres qui venaient le conseiller encore en leur disant : « Occupez-vous de vos affaires ! » et on dit qu’il ajouta en latin : « Pour vous aussi, le jour de la justice n’est pas éloigné ! »

Le fait est qu’en cette extrémité il ne restait plus d’autre pouvoir que le roi, et dans la rue il y avait une armée aux prises avec la révolution. Cette lutte dura jusqu’au soir ; l’issue ne pouvait être douteuse. Les insurgés avaient centre eux une armée fidèle dirigée avec résolution, l’impassibilité d’une grande partie de la garde nationale demeurée étrangère au mouvement, et le bas peuple de Naples, qui renouait alliance avec le roi absolu. Malheureusement toute sorte d’excès soldatesques et populaires se mêlaient à cette victoire de la royauté napolitaine. Les députés, qui, sans le savoir, avaient donné le signal du conflit, eurent un rôle effacé dans la lutte. Ils se réunirent de nouveau à Monte-Oliveto, et ils attendirent, ne sachant ni se ranger autour du roi ni se prononcer pour l’insurrection. Ils se bornèrent à nommer une sorte de comité de salut public, dont un député républicain, M. Ricciardi, était l’un des principaux membres, et qui alla réclamer inutilement l’intervention de l’amiral français Baudin, alors dans la rade de Naples. Pendant ce temps, un officier se présentait à Monte-Oliveto, et sommait au nom du roi les députés de se retirer. Que restait-il à faire ? Deux bataillons cernaient l’assemblée ; les députés se retirèrent non sans avoir déposé une protestation, et c’est ainsi que s’ouvrait le premier parlement napolitain ! Le soir, sous un ciel d’une clarté et d’une pureté merveilleuses, les Suisses et la garde royale campaient dans la ville au milieu des traces sanglantes de la guerre, et le roi, se souvenant de tout ce qu’il avait vu depuis trois mois, pouvait dire : « Mes démonstrations à moi valent bien les leurs ! » Ferdinand avait fait en quelques heures une grave découverte : il avait vu que l’armée était fidèle, et que cette révolution, regardée en face, n’était point aussi redoutable qu’on le pensait.

Cette journée du 15 mai était plus qu’une journée napolitaine ;