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au palais de Monte-Oliveto, et ils se donnèrent pour président d’âge un archiprêtre octogénaire, vieux libéral de 1799, M. Cagnazzi. Leurs scrupules s’émurent aussitôt de la nature du serment qui leur était proposé : ils devaient jurer de professer et de faire professer la religion catholique, de demeurer fidèles au « roi des Deux-Siciles, » et d’observer la constitution du 10 février. Sans parler du premier point, facile à modifier, les députés napolitains voyaient dans le second et le troisième article un engagement pris au sujet de la Sicile et une abdication du droit de réformer la constitution. Ils n’eurent plus qu’une pensée, celle de s’affranchir de ce serment. Là était le point de départ d’une négociation étrange et acerbe ouverte entre l’assemblée de Monte-Oliveto et le palais, — négociation où le roi avait véritablement tous les avantages. Les députés napolitains ne remarquaient pas deux choses : d’abord qu’ils formaient une réunion dépourvue de tout caractère légal pour délibérer, et en outre qu’ils créaient un état tout révolutionnaire en prétendant se réserver le droit de réformer une constitution à laquelle le roi lui-même avait prêté serment le 24 février.

Engagés dans cette voie par imprévoyance, ils persistèrent par une susceptibilité vaine, et la querelle s’envenima au point de devenir un de ces prétextes dont les agitateurs s’emparent toujours pour fomenter les séditions. Sur quoi se fondaient les députés de Monte-Oliveto ? Ils ne pouvaient invoquer que les vagues promesses du ministère, le programme du 3 avril, qui en tous les cas n’était qu’un programme de cabinet, et ne pouvait être mis en balance avec la constitution. Le ministère se trouvait ainsi mis enjeu, pris entre l’assemblée de Monte-Oliveto et le palais. Il se prodigua en efforts de conciliation. Le ministre de l’intérieur, M. Conforti, les larmes dans les yeux, suppliait les députés de ne point prolonger cette lutte, de penser à l’Italie et à la guerre de l’indépendance nationale. Les mêmes efforts étaient tentés au palais. Enfin le roi, montrant jusqu’au bout un singulier sang-froid et même de la modération, se décidait à consentir à la suppression du serment, et l’assemblée de Monte-Oliveto semblait victorieuse ; mais dans l’intervalle, — ces débats n’avaient pas duré moins de vingt heures, — l’agitation extérieure avait étrangement grandi : la rue de Tolède s’était hérissée de barricades jusqu’aux abords du palais, si bien que, le matin du 15 mai, l’insurrection était partout menaçante. Les députés ne s’étaient pas rendu compte de cette crise, ouverte par leur inexpérience ; le roi ne s’y trompa point : il vit que si, après avoir cédé devant une assemblée, il cédait encore devant les barricades, la royauté disparaissait, que s’il résistait, il marchait à une bataille, et il prit son parti. Il accepta le combat, appuyé sur une armée fidèle serrée autour du palais.