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lui-même en se retirant de la croisade italienne. Il avait cédé à la pression des choses en envoyant son armée combattre sur le Pô et sur l’Adige ; libre, il la rappelait. Il n’avait aucun goût pour ce royaume de la Haute-Italie, qui eût balancé en puissance le royaume du midi ; il nourrissait toute sorte de méfiances et de jalousies à l’égard du roi Charles-Albert, même peut-être des jalousies de soldat. Et puis en ce moment il pouvait invoquer un motif de circonstance. Vainqueur à Naples, il avait encore à faire face à l’agitation qui se manifestait dans toutes les provinces, et qui dégénérait en insurrection dans les Calabres. Là en effet, au cœur de ces contrées « toujours promptes à s’émouvoir, se rassemblaient les débris de la sédition du 15 mai pour tenter un dernier effort. Quelques-uns des députés les plus ardens, MM. Ricciardi, Mileti, Musolino, Mauro, réfugiés d’abord sur la flotte française, puis jetés en Sicile et à Malte, reparaissaient bientôt sur la côte de la Calabre, levant le drapeau de l’insurrection à Cosenza et à Catanzaro. Un comité de salut public se formait sous l’impulsion de M. Ricciardi, et cette rude population était appelée aux armes : mouvement inutile à une telle heure, impopulaire par le caractère républicain que lui donnaient certains noms, et merveilleusement propre à aggraver encore une situation déjà si compromise. C’est contre ce mouvement qu’une partie de l’armée primitivement destinée à aller combattre dans la Haute-Italie était dirigée sous les ordres du général Nunziante. Ce qui était arrivé à Naples arriva dans les Calabres. Le général Nunziante força l’entrée de ces montagnes, y pénétra et dispersa cette insurrection, à la fois cernée par une armée et affaiblie par les divisions. Les paysans calabrais, fatigués, se débandèrent et revinrent à leurs moissons ; cinq cents Siciliens, envoyés pour appuyer le mouvement, ne furent qu’un secours inutile, et M. Ricciardi, après avoir erré quelques jours dans les montagnes, fut réduit à se jeter, avec douze de ses compagnons, dans une barque de pêcheur pour regagner Corfou. C’était le triste épilogue du 15 mai.

Une question cependant naissait de cette situation si complètement transformée. Le régime constitutionnel avait-il disparu, lui aussi, dans le combat, avant d’avoir été sérieusement essayé ? Au lieu d’être une victoire de la légalité nouvelle contre la sédition, la journée du 15 mai impliquait-elle la résurrection pleine et entière du pouvoir absolu ? On n’en était pas encore là pour le moment ; la réaction avait fait un pas, et elle s’arrêtait comme pour mesurer ses forces. Avec une modération qui eût illustré son règne, si elle fût toujours restée la règle de sa politique, le roi Ferdinand publiait, le 24 mai, une proclamation destinée à adoucir l’amertume des derniers événemens et à dissiper les méfiances instinctives de l’opinion.