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plein de dextérité, très versé dans la science constitutionnelle, discutant froidement et sans passion. Conforti se distinguait par une chaude et forte éloquence. Scialoia avait la parole aussi élégante que facile ; il possédait l’art de parler des finances avec une clarté merveilleuse et d’animer les discussions arides. Avossa avait une éloquence pleine d’ironie et finement sarcastique. Savarese mettait dans ses discours la raison sévère du jurisconsulte. On comptait aussi parmi les nouveaux députés Carlo Troia, Dragonetti, Capitelli, Baldacchiui, le duc de Lavello, l’un des chefs du parti ministériel. Par cette chambre ainsi composée et par la chambre des pairs, le régime constitutionnel se trouvait debout et en action ; mais si les apparences du régime constitutionnel subsistaient, tout avait singulièrement changé.

Un esprit furieux de réaction s’était élevé et soufflait contre tout ce qui était liberté. Le nouveau parlement avait contre lui l’armée, une grande partie du clergé, la magistrature, la populace de Naples, sans compter la cour et le gouvernement. Chaque jour il recevait quelque atteinte dans sa dignité ou dans ses plus simples prérogatives. M. Pietro Leopardi, qui avait représenté le roi en Sardaigne, demandait à rentrer à Naples pour occuper son poste dans l’assemblée, et on lui refusait un passeport. Un vieux député infirme, le docteur Lanza, recevait l’ordre de partir dans les vingt-quatre heures et de quitter le royaume. Un autre député, le duc Proto dell’ Albaneta, était insulté par un sbire obscur, et l’auteur de l’insulte demeurait impuni. Par un étrange retour, aux manifestations libérales succédaient les manifestations absolutistes. Des bandes composées d’un ramassis de soldats, de lazzaroni, parcouraient les rues en criant : A bas les chambres ! vive le roi absolu ! mort à la liberté ! Une de ces démonstrations était conduite par l’économe de la paroisse de Sainte-Lucie. Le ministère, M. Bozzelli surtout, irrité de ne point trouver dans la chambre la docilité qu’il espérait, laissait le parlement livré aux insultes, et l’accablait lui-même des plus injurieux dédains. Il ne lui présentait aucune loi, descendait à peine à discuter avec lui, et le traitait comme un factieux importun. Quelque député pressait-il le ministère de tourner les yeux vers l’Italie et de rendre les forces napolitaines à la guerre de l’indépendance, on lui répondait que c’était là « le désir des républicains et des albertistes pour détrôner le roi. » Était-il question de l’insurrection de Calabre ou de la Sicile, on s’abstenait de répondre, ou l’on répondait par des sarcasmes et des défis, et la presse du gouvernement, commentant ces scènes parlementaires, poursuivait librement une guerre acharnée contre la puissance législative, tandis qu’une sorte de terreur était organisée contre les journaux libéraux.

Le parlement napolitain se trouvait dans une de ces situations qui