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une fois par semaine, et presque tous le vendredi qui précédait chaque assemblée trimestrielle. Si les méthodistes s’étaient vêtus avec la même superfluité d’élégance qu’aujourd’hui, peu de gens, même en dehors de l’église, auraient cru à leurs sentimens religieux. Mais que les choses ont changé en mal dans ce siècle si épris de l’éducation ! »


On ne saurait justifier plus complètement ce qu’Horace dit des vieillards et se montrer à un plus haut degré laudator temporis acti. Il n’est point raisonnable de faire du salut une question de costume et de voir dans le soin de sa personne et dans la recherche des commodités de la vie un obstacle invincible à la pratique de la vertu. Néanmoins, s’il faut pardonner cette hostilité contre le luxe et les raffinemens de la vie civilisée, c’est surtout à un enfant des forêts : reconnaissons en outre qu’il y a dans les plaintes de Cartwright un fonds de vérité. Après avoir vu les beaux jours du méthodisme, le vieux prédicateur a vécu assez pour en voir commencer la décadence.

La fécondité du méthodisme, ainsi que nous avons déjà essayé de l’expliquer, tenait à son organisation même, qui avait pour objet de développer et d’entretenir l’esprit de prosélytisme. Elle suscitait sans cesse du sein de la foule des apôtres nouveaux dont les efforts étaient assurés d’un succès au moins momentané, et dont le zèle venait réchauffer la tiédeur générale. L’émulation était continuelle entre le clergé et les fidèles. Il n’était pas jusqu’au système de roulement des circuits qui ne produisît des effets avantageux, car, en mettant en présence des prédicateurs et des auditoires qui n’avaient pas le temps de se familiariser ensemble, il obligeait les uns à plus d’efforts et rendait aux autres l’attention plus facile par l’attrait de la nouveauté. Enfin la mobilité des prédicateurs, la facilité avec laquelle s’improvisaient des chefs de classe et des exhortateurs, permettaient au méthodisme de faire sentir son action en tout lieu et à tout instant, et sous ce rapport on peut dire que Wesley avait doté le protestantisme d’un élément de force et d’un levier analogues à ce que sont les ordres religieux dans l’église catholique. Des chiffres seuls peuvent montrer quelles furent la puissance de propagation du méthodisme et la rapidité de ses progrès. Lorsque l’église d’Amérique s’organisa à la conférence de Baltimore, elle comptait 86 prédicateurs et un peu moins de 15,000 fidèles ; en 1843, soixante ans après, elle comptait 4,000 prédicateurs itinérans, plus d’un million de communians, et l’on évaluait à 5 millions le nombre des personnes qui fréquentaient ses églises sans être régulièrement affiliées. Tandis que les sectes les plus prospères avaient simplement décuplé, le méthodisme avait grandi dans la proportion de 1 à 71. Maintenant encore ses progrès suivent, s’ils ne les dépassent, ceux de la population des États-Unis.