Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/1014

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait diplomatique et légal, d’un autre côté il est généralement admis que les états de l’Italie centrale demeurent définitivement à l’abri de toute intervention étrangère, et sont appelés à disposer de leur sort dans une certaine mesure. Au reste, c’est ainsi que ces états ont compris la situation nouvelle qui leur était faite par les événemens. Ils se sont organisés, ils ont convoqué des assemblées, ils ont émis des vœux que tout le monde connaît, qui ont trouvé un commentaire dans un document remarquable soumis récemment aux grandes puissances, dans le memorandum du général Dabormida, ministre des affaires étrangères à Turin, qui explique avec autant de raison que de modération les votes par lesquels les assemblées de Florence, de Modène, de Parme et de Bologne ont prononcé unanimement l’annexion de ces états au Piémont. Si le mouvement qui s’est opéré en Italie dans ces derniers mois, qui représente la somme de tant de sacrifices et d’efforts persévérans, est bien tel que je l’ai défini, et on ne saurait l’interpréter autrement, il est clair que les populations de l’Italie centrale ne pouvaient plus désormais aller chercher leurs princes à l’étranger. Le roi de Sardaigne et l’union de l’Italie centrale avec le Piémont répondaient entièrement aux vœux, aux aspirations comme aux sacrifices de ces populations. Les assemblées de Florence, de Modène, de Parme et de Bologne n’ont fait que ce qui leur était clairement indiqué par la situation.

Malheureusement je ne peux pas ignorer que ce qui nous paraît si naturel paraît à d’autres fort compliqué. Les raisonnemens si simples, presque instinctifs, qui ont guidé les populations de l’Italie centrale, ne sont pas appuyés par des forces matérielles suffisantes. Le résultat auquel nous aspirons blesse des intérêts qui ont de très anciennes racines, et qui ont encore de puissans alliés en Europe. Nous avons des amis ardens, mais qui se bornent à nous donner un concours moral. On exige de nous un grand budget de sagesse, de modération et de persévérance. Tous ceux que les événemens ont surpris et déroutés s’efforcent à l’envi de nous démontrer, à nous Italiens, que nous avons tort. Si nous invoquons les exemples de la Grèce, de la Belgique, des principautés, même de la France et de l’Angleterre, qui ont eu le droit de changer leur constitution ou leur dynastie, on ne manque pas de nous dire que ces exemples sont sans analogie avec la situation de l’Italie, et que dans tous les cas il serait dangereux de les renouveler. Je ne veux pas méconnaître la valeur de certaines objections qu’on nous fait. Il est utile qu’elles soient toujours présentes à l’esprit des patriotes ardens et honorables qui sont à la tête des gouvernemens de l’Italie centrale, et sur lesquels pèse une si grave responsabilité. Ces objections prouvent-elles cependant que nous ayons tort dans le système que nous avons suivi, que nous ayons tort encore d’y persévérer, et qu’avec un peu plus de sagesse et de calcul nous devrions nous résigner à renoncer à nos vœux?

Voyons donc avec impartialité et d’un esprit aussi libre que possible ce que nous disent quelquefois en France des hommes fort éminens à coup sûr, qui sont nos amis, je n’en doute pas. « Prenez garde, nous dit-on, vous êtes les instrumens de l’ambition piémontaise, de l’avidité des princes de Savoie. L’agitation qui vous trouble est factice, la révolution qui a bouleversé votre existence est un grand piège ; tout cela est l’œuvre des agens envoyés de