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de nos côtes, des compagnies transocéaniques organisées au Havre, à Bordeaux, à Saint-Nazaire, une part dans les profits des pêches lointaines, et, pour protéger et ravitailler nos bâtimens de commerce, des stations maritimes bien approvisionnées. À ce titre, nos établissemens de l’Océanie suffiront le jour où ils seront sur une bonne route de commerce, et nous avons agi récemment dans la mesure de nos véritables intérêts en prenant possession de la Nouvelle-Calédonie.

Au commencement de 1853, la corvette la Constantine, commandée par M. le capitaine de vaisseau Tardy de Montravel, avait quitté Rochefort pour prendre la station des mers de la Chine et du Japon, et à la fin de la même année elle était à son poste, devant Hongkong et Shang-haï, surveillant les intérêts de nos nationaux, quand son commandant reçut, par un pli cacheté et dont le contenu devait rester secret, avis de prendre le large. La corvette, se dirigeant par le sud, à traversées archipels de la Malaisie, s’engagea entre le groupe des Iles-Salomon et celui des Nouvelles-Hébrides, au sud duquel elle allait occuper, au nom de la France, la Nouvelle-Calédonie. Cette île, dont dépendent celle des Pins et le petit groupe des Loyalty, est située environ entre les 20 et 23es degrés de latitude sud. Elle est longue de quatre-vingt-dix lieues, large de douze, formée par une arête montagneuse qui court du nord-ouest au sud-est, fertile et bien arrosée. Elle a été découverte par Cook en 1774, puis visitée par d’Entrecasteaux et d’Urville. Une chaîne de récifs l’entoure, comme la plupart des autres îles océaniennes, et jusque dans ces derniers temps bien des bâtimens ont péri sur ses côtes dangereuses et inhospitalières.

Lorsque la Constantine arriva en vue de l’île des Pins en janvier 1854, déjà le drapeau français s’y dressait ainsi que sur la grande île. Le contre-amiral Febvrier des Pointes, craignant d’être prévenu par les Anglais, était venu de Taïti dès le mois de septembre s’entendre avec quelques missionnaires français établis à l’île des Pins, et traiter de l’occupation avec un des principaux chefs indigènes ; puis cet officier supérieur était reparti après avoir bâti une sorte de petit fort provisoire. À cette époque, il y avait déjà une dizaine d’années que les missionnaires qui servirent très efficacement les officiers français dans l’accomplissement de leur tâche étaient établis à la Nouvelle-Calédonie. La corvette le Bucéphale avait débarqué à la fin de 1843 quelques religieux au havre Balade, sur la côte ouest ; elle avait élevé pour la mission un grand bâtiment, qui, deux années plus tard, servit de refuge à l’équipage de la Seine, naufragé dans les récifs de l’île. En 1850, les missionnaires furent durement traités par les indigènes. Entourés, ils étaient au moment