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POÉSIE



LE SACRE DE LA FEMME.[1]
I.


L’aurore apparaissait; quelle aurore! Un abîme
D’éblouissement, vaste, insondable, sublime;
Une ardente lueur de paix et de bonté.
C’était aux premiers temps du globe, et la clarté
Brillait sereine au front du ciel inaccessible.
Étant tout ce que Dieu peut avoir de visible;
Tout s’illuminait, l’ombre et le brouillard obscur;
Des avalanches d’or s’écroulaient dans l’azur;
Le jour en flamme, au fond de la terre ravie,
Embrasait les lointains splendides de la vie;
Les horizons pleins d’ombre et de rocs chevelus,
Et d’arbres effrayans que l’homme ne voit plus.
Luisaient comme le songe et comme le vertige
Dans une profondeur d’éclair et de prodige;
L’Éden pudique et nu s’éveillait mollement;
Les oiseaux gazouillaient un hymne si charmant.
Si frais, si gracieux, si suave et si tendre,
Que les anges distraits se penchaient pour l’entendre;
Le seul rugissement du tigre était plus doux;

  1. Deux volumes paraîtront prochainement qui tiendront une place toute particulière dans l’œuvre poétique de M. Victor Hugo. La Légende des siècles, tel est le titre de ce livre purement épique, sorte de romancero, d’histoire légendaire de l’humanité, qui l’ouvre à la création et se continue, à travers tous les âges et tous les peuples, jusqu’aux faits contemporains. Des deux poèmes qu’on va lire, le premier appartient à la période intitulée : D’Ève à Jésus, le second au cycle héroïque chrétien.