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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/197

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Quatre jours sont passés, et l’île et le rivage
Tremblent sous ce fracas monstrueux et sauvage.
Ils vont, viennent, jamais fuyant, jamais lassés.
Froissent le glaive au glaive et sautent les fossés,
Et passent, au milieu des ronces remuées.
Comme deux tourbillons et comme deux nuées.
chocs affreux ! terreur! tumulte étincelant!
Mais, enfin, Olivier saisit au corps Roland
Qui de son propre sang en combattant s’abreuve,
Et jette d’un revers Durandal dans le fleuve.

« C’est mon tour maintenant, et je vais envoyer
Chercher un autre estoc pour vous, dit Olivier;
Le sabre du géant Sinnagog est à tienne:
C’est, après Durandal, le seul qui vous convienne.
Mon père le lui prit alors qu’il le défit.
Acceptez-le. »

Roland sourit. « Il me suffit
De ce bâton. » Il dit, et déracine un chêne.

Sire Olivier arrache un orme dans la plaine
Et jette son épée, et Roland, plein d’ennui.
L’attaque. Il n’aimait pas qu’on vînt faire après lui
Les générosités qu’il avait déjà faites.

Plus d’épée en leurs mains, plus de casque à leurs têtes,
Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béans,
A grands coups de troncs d’arbre, ainsi que des géans.
Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
Tout à coup Olivier, aigle aux yeux de colombe,
S’arrête, et dit :

« Roland, nous n’en finirons point.
Tant qu’il nous restera quelque tronçon au poing,
Nous lutterons ainsi que lions et panthères.
Ne vaudrait-il pas mieux que nous devinssions frères?
Écoute, j’ai ma sœur, la belle Aude au bras blanc,
Épouse-la.

— Pardieu! je veux bien, dit Roland.
Et maintenant buvons, car l’affaire était chaude. »

C’est ainsi que Roland épousa la belle Aude.


VICTOR HUGO.