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UNE
CAMPAGNE DES AMERICAINS
CONTRE LES MORMONS



Sur plus d’un point, les nations ressemblent aux individus : le corps social peut être, avec l’apparence de la santé, miné par une décomposition lente, montrer les symptômes inattendus des crises les plus étranges ; il est sujet à des accidens que la philosophie morale ne sait prévoir, à des maladies qu’elle cherche vainement à guérir. La pensée a ses épidémies comme l’atmosphère : peut-on nommer d’un autre nom, pour prendre un exemple entre tant d’autres, cette manie des tables tournantes qui a fait il y a peu d’années le tour du monde entier ? La crédulité est un penchant si naturel de notre esprit que l’homme s’ingénie de mille façons à se tromper lui-même : il aime les miracles, surtout quand il peut s’en faire le héros ; il adore à un tel point le mystère, que le pays le plus libre du monde, les États-Unis, est pourtant celui où l’on compte, je crois, le plus de loges maçonniques. La république américaine est assurément, pour l’observateur des phénomènes moraux, le théâtre le plus curieux de la terre, celui où la spontanéité de l’âme humaine se révèle avec les allures les plus capricieuses et les plus déréglées : la liberté n’y subissant pas le moindre contrôle, la folie y a autant de droits que la sagesse ; l’anarchie des croyances, des systèmes, y est au comble, et pourtant la jeune république a tous les symptômes de la vigueur et de la santé. Pleine de confiance,