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plus délicates négociations avec Rome, puis il avait été appelé au ministère. C’était un homme de formes séduisantes, d’un extérieur plein de grâce, d’un esprit aussi prompt que fertile en expédiens, menant avec aisance les plus laborieuses affaires, et résolu dans l’action. Il connaissait merveilleusement la situation de l’Europe et du Piémont en particulier. Rien ne le prouvait mieux que les instructions qu’il donnait au comte Maffei, ambassadeur du roi à Vienne, et où il dépeignait cette situation avec une sagacité surprenante, mettant à nu ce qu’il y avait d’inefficace et d’éphémère dans tous les traités qui s’étaient succédé depuis la paix d’Utrecht. Dans ces instructions, que M. Carutti divulgue pour la première fois, le marquis d’Ormea montre l’empereur poursuivant sans se lasser le triomphe de la pragmatique sanction, la reine d’Espagne ne songeant qu’à établir ses enfans en Italie, la France à peine contenue par une politique pacifique dont la durée ne tient qu’au crédit du cardinal de Fleury, d’un vieillard qui peut disparaître d’un instant à l’autre.

Ce que disait le ministre piémontais de la France n’était point sans exactitude. Le cardinal de Fleury était en effet le grand défenseur de la paix, autant peut-être par tempérament et par inclination de vieillard que par sagesse politique ; lui-même cependant il commençait à se sentir débordé, ayant contre lui les vieux demeurans des guerres de Louis XIV, tels que Berwick et Villars, et les jeunes courtisans de Versailles, qui n’aspiraient qu’à la guerre. C’est entre ces quelques personnages que se nouait le drame européen ; c’est dans ces conditions qu’allait éclater la guerre de 1733, causée en apparence par la succession de Pologne, née en réalité de cette confusion où se trouvait l’Europe, au milieu de ces ambitions irritées et impatientes que décrivait le marquis d’Ormea. Cette guerre de 1733 n’était après tout que le premier acte de ce drame fantasque qui devait se continuer, après de courtes trêves, par la guerre de la succession d’Autriche, puis par la guerre de sept ans.

Je n’ai point le dessein de suivre pas à pas M. de Carné et M. Carutti dans l’étude de la politique tout entière du XVIIIe siècle. Un côté de ces événemens touche essentiellement à l’Italie. Dès que la succession de Pologne s’ouvre et que la guerre devient inévitable par l’antagonisme déclaré des politiques entre la France et l’Autriche, quelle est la première pensée du cardinal de Fleury entraîné malgré lui à prendre les armes ? Cette pensée est pour la péninsule, On ne parlait point alors de l’indépendance de l’Italie, on parlait de l’équilibre italien, d’une plus équitable répartition de forces et des influences au-delà des Alpes. Pour me servir d’un terme de guerre, l’objectif de la politique française n’était point difficile à définir : c’était la diminution, si ce n’est la destruction, de la puissance impériale, qui, depuis la paix d’Utrecht, était à Milan, à Naples, et