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yeux de ceux-ci un tort dont ne pouvait la relever aucun service, celui d’être née et de demeurer Française au Retiro comme à Marly, péché originel qui ne lui est pas même remis par le marquis de San-Felipe, quoique ce loyal serviteur du roi d’Espagne l’ait partagé avec elle, étant lui-même d’origine italienne. Une ère nouvelle paraît s’ouvrir pour sa mémoire, et peut-être est-on à la veille de passer du dénigrement au fanatisme. La mise au jour simultanée de deux importans écrits a provoqué l’opinion à plus de justice, et le public a désormais sous les yeux toutes les pièces du procès, commentées par des plaidoiries d’une ardente sincérité.

Dans le cours de la mission littéraire, déjà très fructueuse, confiée à M. Geffroy il y a quelques années, l’heureux explorateur des archives politiques de la Suède a découvert dans la masse des manuscrits français accumulés par Gustave III une copie intégrale de la correspondance de Mme des Ursins avec la maréchale de Noailles, et plusieurs lettres à Mme de Maintenon qui ne figurent point dans le recueil publié à Paris en 1826. Des investigations successives au dépôt de la guerre et dans diverses archives de l’Italie l’ont mis en mesure d’éditer un volume d’un intérêt soutenu, qu’il a fait précéder d’une large et judicieuse introduction. Tout n’est pas nouveau sans doute dans ce livre, car les principales lettres à la maréchale sont insérées dans les Mémoires de Noailles, et l’abbé Millot a pu y joindre des dépêches de M. de Torcy et de nombreuses lettres de Louis XIV à son petit-fils, qui font de ce recueil, malgré le décousu de la rédaction, la source la plus abondante à explorer pour les rapports de la France avec l’Espagne durant les quinze dernières années du grand règne ; mais cette correspondance, publiée pour la première fois dans son ensemble, s’éclaire d’un jour nouveau, et M. Geffroy a porté dans ses recherches un courage et une loyauté d’investigation dont lui sauront gré les amis des études sérieuses.

Avec ce recueil de lettres paraissait un livre consacré à la vie même de la princesse des Ursins, dans lequel l’auteur l’a suivie à travers les épreuves de la jeunesse et les somptueux plaisirs de Rome jusqu’au jour où elle devint le guide de deux augustes adolescens exposés sur une terre étrangère à toutes les chances d’une guerre acharnée et aux périls plus redoutables encore des méfiances nationales. Par une fascination qui est trop souvent l’effet ordinaire d’un long commerce avec les natures éminentes, M. Combes me paraît avoir dépassé dans ses appréciations la mesure du juste et quelquefois celle du vrai. Capricieuse et passionnée, aussi accessible à la haine qu’à l’engouement, et manquant assez souvent dans la conduite de la suite qu’elle eut toujours dans la pensée, Mme des Ursins ne fut ni un Ximenès ni un Richelieu en jupons, et son historien