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lui présentait une adresse, maintenant qu’après des années d’apathie profonde, la volonté d’accroître la force et la grandeur nationales, d’assurer notre puissance au dehors et notre union au dedans, se réveille encore dans le peuple, tout patriote doit saluer avec de joyeuses espérances ce mouvement patriotique. Quels que soient les moyens par lesquels nous atteindrons le but désiré, quelle que soit la forme de la constitution future de l’Allemagne, une chose est certaine, c’est que princes et peuples doivent être également prêts à faire des sacrifices. Quant à moi, il y a longtemps que, d’un mouvement spontané, j’ai apporté mon offrande sur l’autel de la patrie. » Il s’en faut que les autres princes allemands prêtent une oreille favorable à cet appel du duc de Saxe-Cobourg à l’esprit de sacrifice. Se croyant menacés de médiatisation dans l’avenir et se voyant exposés à être dépouillés dans le présent de l’importance stérile du rôle diplomatique et militaire qui flatte leur vanité, les petits princes et les cours secondaires se rallient à l’Autriche, protectrice du statu quo. Ainsi, tandis qu’un courant porte les populations vers la Prusse, un contre-courant entraîne les cours vers l’Autriche. C’est un phénomène qui n’est point sans analogie avec ce qui se passe en Italie. Seulement la Prusse n’a pas la témérité ardente du Piémont. De nombreuses pétitions émanées de cette agitation unitaire ont été présentées au gouvernement prussien. — Quelle attitude ce gouvernement prendrait-il en présence d’un mouvement si favorable à l’expansion naturelle de la Prusse ? C’est M. de Schwerin qui a été chargé de dessiner cette attitude en répondant à la pétition de la ville de Stettin. Le ministre prussien a pris acte du mouvement national, il en a constaté l’existence, il a donné à comprendre que le gouvernement du prince-régent jugeait au fond que l’état actuel n’est point le plus satisfaisant pour les intérêts de l’Allemagne ; mais il a décliné au nom de la Prusse l’initiative à laquelle on la convie en se fondant sur deux raisons, sur le respect des droits des autres états confédérés et sur l’inopportunité qu’il y aurait à entreprendre en ce moment la réforme du pacte fédéral. Ce n’est point là une fin de non-recevoir absolue. Au contraire M. de Schwerin, s’il ajourne les espérances des pétitionnaires, n’a garde de les décourager. Il réclame pour le gouvernement prussien la confiance publique, se réservant de concilier en temps opportun les vœux de la nation allemande avec les devoirs de la Prusse. On devait s’attendre à cette politique expectante de la Prusse en face d’un mouvement d’opinion encore trop récent pour être franchement épousé par un gouvernement circonspect. Quoi qu’il en soit, cette agitation unitaire annonce le réveil d’une vie politique énergique en Allemagne, et l’on peut croire que l’hiver prochain ne se passera point sans qu’elle ait produit des résultats intéressans.

Tandis que l’Europe, encore tout émue de ses luttes intestines, fait de vains efforts pour se rassurer contre l’éventualité de nouveaux conflits, à l’extrémité de l’Orient un accident tragique vient tout à coup lui rappeler qu’au lieu de se déchirer elle-même dans des guerres qui, au degré de civilisation où elle est arrivée, ne sont plus que des guerres civiles, sa vraie mission est de détruire ou de transformer l’épaisse barbarie qui couvre encore une si vaste partie de la terre. L’effort que la France et l’Angleterre avaient fait ensemble contre la Chine n’avait malheureusement pas été assez