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science, un état de polarité. On n’est point encore d’accord sur la nature des phénomènes intimes qui s’opèrent lorsque les molécules d’un corps obéissent aux lois de l’affinité et de la cohésion; mais on sait que l’état polaire des atomes élémentaires, point de départ des phénomènes électriques, y joue un rôle considérable. Suivant la nature même des corps et les relations qui existent entre eux, l’électricité qui se manifeste, autrement dit qui devient libre, change de forme, car les propriétés électriques des corps n’ont rien d’absolu. On ne saurait, comme on l’avait fait d’abord, les classer en deux catégories distinctes, les uns électro-positifs, les autres électro-négatifs. Un même corps joue tour à tour ces deux rôles suivant qu’il est combiné avec tel ou tel autre corps.

Il est reconnu d’ailleurs que la propagation de l’électricité est un phénomène beaucoup plus général qu’on ne le croyait d’abord. On distinguait autrefois dans l’électricité deux états, l’état statique ou de repos, l’état dynamique ou de mouvement; mais cet état statique, qu’on appelle encore de tension, n’existe pas en réalité : le seul fait que la tension électrique d’un corps électrisé diminue prouve que l’électricité se propage hors de ce corps, comme l’ont d’ailleurs démontré de nombreuses expériences. Ce qu’on tenait pour un courant électrique a été depuis regardé comme un état de décomposition et de recomposition continu, comme un effet de la réunion et de la neutralisation successives des deux états électriques opposés dans les molécules. Or, du moment que la propagation de l’électricité, soit lente, soit rapide, est un fait général, l’état statique et l’état dynamique ne sont plus qu’une affaire de quantité. Si la neutralisation des deux électricités contraires se produit instantanément, on obtient une décharge électrique; si cette neutralisation est continue, c’est-à-dire si la continuité en devient sensible à nos moyens d’expérimentation, on obtient un courant.

La propagation de l’électricité, ainsi que l’a montré le célèbre physicien anglais Faraday, un des modernes législateurs de la science, ne s’opère point à distance; elle a lieu par l’intermédiaire des corps. Sous l’influence d’un corps électrisé, un autre corps se polarise; chacune de ses particules présente les deux électricités séparées l’une de l’autre, de telle façon que si le corps électrisé est positif, les électricités négatives de chaque particule se tournent toutes vers lui et les positives du côté opposé : c’est là ce qui constitue l’induction. Une semblable conception fait tomber la distinction fondamentale des corps isolans et des corps conducteurs; au moins cette distinction cesse d’être absolue. En effet, les expériences ont démontré qu’il n’existe pas de conducteurs parfaits, que tous les corps opposent à la propagation de l’électricité une résistance plus