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Cependant les Lombards disparurent à leur tour, repoussés par l’inimitié des papes et balayés par les armes de Charlemagne. Le jour où Léon III posa la couronne impériale sur la tête du roi des Francs, le jour où aux acclamations des Italiens il transféra le titre de césar et d’auguste des empereurs grecs aux souverains germains, ce jour-Là est une date funeste pour l’Italie. Nous ne croyons pas que le pape ait été inspiré dans cette circonstance par le seul intérêt de son autorité temporelle, naissante à peine et mal affermie ; ce serait une cause mesquine pour un événement immense. Cependant, en cherchant son point d’appui au dehors, en annexant à une domination grandiose, mais éphémère, le peuple dont il avait accepté la tutelle politique, le saint-siège assuma une responsabilité redoutable ; il est vrai qu’il avait alors le sentiment italien pour complice.

L’unité matérielle de l’empire romain, un moment rétablie par Charlemagne, devint et resta le type adopté par l’Italie, parce qu’elle espérait ressaisir ainsi pour elle-même la suprématie dans le monde, et la papauté put croire qu’elle servait la cause commune en empêchant Rome et l’Italie de s’effacer dans l’isolement d’un royaume subalpin. La papauté persévéra dans cette première faute politique quand au Xe siècle, après le second démembrement de l’empire, elle se mit en opposition avec la branche carlovingienne italique, et rendit impossible la constitution d’un état particulier entre les mains de Bérenger et de Hugues. Il faut dire qu’à cette époque désastreuse, au moment où s’établissait la maxime féodale que la possession de la terre pouvait seule conférer les droits seigneuriaux, les pontifes de Rome commençaient à se préoccuper outre mesure de leur autorité territoriale, et, au point de vue de leur domination temporelle, il leur paraissait incommode et dangereux d’admettre aucun supérieur dans la péninsule. Ainsi, dès le principe, le maintien du pouvoir matériel du saint-siège devint un obstacle invincible à la fusion de l’église romaine et du royaume italien. Quand déjà toutes les royautés européennes commençaient à se dégager de la dissolution de l’empire carlovingien, l’Italie seule fut condamnée, soit à rester intérieurement désorganisée, soit à chercher en dehors d’elle un pouvoir modérateur et prépondérant.

Le besoin de direction et d’ordre est si impérieux pour les sociétés, que l’Italie, s’arrêtant au parti que choisissait la papauté, consentit à s’abriter sous le droit impérial. Jean XII, en couronnant à Rome le roi de Germanie Othon Ier, consacra irrévocablement une sorte de légitimité traditionnelle qui devait durer jusqu’à la fin du XVe siècle, et laisser derrière elle une empreinte indélébile. Le grand empire romain était donc renouvelé ! l’idée de la monarchie