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mens, restaurés dans la plénitude de leurs pouvoirs. Le Zollverein, qui avait précédé cette grande crise, resta debout, seul représentant, sous une forme restreinte, du principe d’union, dont tant d’esprits avaient souhaité vainement le complet triomphe.


II.

C’est à ce moment que commencent entre la Prusse et l’Autriche les incidens d’une lutte politique dans laquelle se concentre à peu près exclusivement l’histoire de l’Allemagne d’aujourd’hui. L’Autriche était demeurée jusqu’en 1848 tout à fait étrangère à la fondation et au développement du Zollverein; le prince de Metternich semblait se préoccuper médiocrement de cette institution, qui ne lui apparaissait que comme un expédient commercial ou financier utile seulement à quelques états. Dominé sans doute par les idées de conservation qui inspirèrent jusqu’à la fin sa politique, il n’apercevait pas que l’expédient commercial pouvait devenir entre des mains habiles un instrument d’influence. Il n’avait du reste aucun goût pour les intérêts économiques : questions d’impôts, réformes douanières, tous ces détails n’étaient dignes d’obtenir son attention qu’autant que sa politique d’équilibre était en jeu. Ainsi en 1847, lorsque le Saint-Siège, la Sardaigne et la Toscane tentèrent de constituer une union douanière italienne, on le vit se jeter résolument à la traverse, et combiner à son tour une association commerciale avec les duchés de Parme et de Modène; mais précédemment, en 1840, quand un ministre intelligent s’était avisé de toucher au vieux régime prohibitif de l’Autriche, le prince de Metternich avait tout arrêté, sur les réclamations des fabricans. Il n’avait donc rien fait pour préparer son pays aux progrès matériels qui se révélaient en Europe, ni aux changemens de législation que devait amener tôt ou tard la condition nouvelle de l’industrie et du commerce. Sans manquer aux égards que mérite la politique si longtemps heureuse de cet homme d’état, il est permis de dire que cette politique n’avait pour mot d’ordre, en tout et pour tout, que le statu quo. Ce n’était certes ni impuissance ni paresse, car aujourd’hui, en face de tant d’idées remuées et de passions en éveil, l’attitude ultrà-conservatrice du statu quo serait pour les gouvernemens la plus difficile à maintenir; mais c’était réaction systématique, et nécessairement injuste, contre l’esprit nouveau, qui, aux yeux de M. de Metternich, portait la peine de son origine révolutionnaire. Quoi qu’il en fût, jusqu’en 1848, l’Autriche demeura immobile, pendant qu’auprès d’elle, sous le drapeau commercial du Zollverein, la Prusse s’appliquait à conquérir la direction des intérêts matériels dans une grande