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plus de 300,000 livres affectées à l’éducation des enfans, ce qui faisait 1 million et demi de livres, qui, ajoutées au chiffre de la taxe légale, complétaient une somme de plus de 92 millions de francs absorbée annuellement par les œuvres de l’assistance officielle et de la charité privée. Le mal exigeait des mesures radicales ; on en adopta quelques-unes qui le portèrent à son comble. Un membre des communes, M. Gilbert, persuada à la chambre que si les syndicats ne produisaient pas tout le bien espéré, la faute en était aux vices de leurs règlemens et à la négligence des inspecteurs. En conséquence, il fit passer, dans le courant de l’année 1782, un bill qui enlevait la direction des syndicats aux autorités paroissiales pour en charger la magistrature, et qui donnait en tout temps le droit aux ouvriers sans travail d’en exiger en dehors du workhouse. Cet établissement ne devait être ouvert qu’aux infirmes et aux orphelins. Quant aux travailleurs valides qui ne pourraient pas trouver d’ouvrage, l’administrateur était tenu de leur procurer une occupation appropriée à leur sexe, à leur force et à leur capacité dans leur paroisse même ou dans un lieu voisin, de les loger, de les entretenir convenablement jusqu’à ce que cet emploi leur fût procuré, de recevoir pour eux leur salaire et de l’affecter à leur entretien, enfin de suppléer à l’insuffisance de leurs profits, ou bien de leur en remettre l’excédant au bout d’un mois. En cas de refus du travail ou du secours demandé, le juge de paix devait, après enquête, soit faire donner au plaignant une assistance hebdomadaire, soit enjoindre à l’administrateur, sous peine d’une amende de 5 livres sterling, de l’envoyer au workhouse ou de lui procurer de l’emploi.

Un revirement bien complet s’était donc opéré dans l’esprit public, et il y avait loin de ces dispositions à la pénalité sanguinaire de la première moitié du XVIIIe siècle ; mais on a peine à s’expliquer, tout en faisant la part des entraînemens réactionnaires, l’adoption de pareilles mesures par les représentans d’une nation éclairée. Obliger les administrateurs à trouver toujours de l’ouvrage dans la paroisse ou aux environs, c’était supposer que ces localités n’en pussent jamais manquer. Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser à l’ouvrier le soin d’en trouver lui-même ? Et d’un autre côté pourquoi se serait-il donné la peine d’en chercher, quand un autre était forcé d’en trouver pour lui ? En outre, l’ouvrier travaillait comme un serf, non comme un homme libre et responsable, qui sait que son salaire et sa réputation dépendent de la manière dont il emploie sa journée. Il était difficile d’imaginer un plus sûr moyen d’abaisser les caractères, de détruire dans les classes ouvrières le sentiment de la valeur personnelle, et d’y empêcher absolument tout progrès. En 1796, sous l’impression des craintes inspirées aux classes