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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1859.

Difficilement alarmés, nous ne sommes point alarmistes. Nous prions donc qu’on ne veuille pas outrer, au-delà de notre pensée et de nos intentions, la gravité des réflexions que nous inspire l’état des affaires européennes. Il nous est impossible de nous défendre d’une anxiété sérieuse, quand nous considérons l’ensemble des questions extérieures qui préoccupent depuis quelque temps le public, et qui, dans ces derniers jours, ont semblé se multiplier et s’accumuler avec une intensité exceptionnelle. Chacune de ces questions entraîne sans doute après soi des difficultés particulières. Lorsque cependant on les examine isolément, on demeure convaincu qu’il n’en est point dont les difficultés ne puissent être, avec de la bonne volonté et d’intelligens efforts, pacifiquement surmontées. Dans la condition compliquée des sociétés modernes, rien de plus naturel que de voir s’élever successivement ou à la fois des questions embarrassantes ; c’est le courant des affaires humaines qui les apporte, et c’est l’honneur des peuples sains et des gouvernemens policés d’en venir à bout, en éliminant le jeu brutal et stérile ou funeste de la force. Ainsi nous pourrions attendre sans une inquiétude extraordinaire l’arrangement des affaires italiennes, si embrouillées qu’elles demeurent, même après la signature du traité de Zurich ; nous ne songerions pas à nous émouvoir de l’ennui que peut donner à quelques hommes d’état anglais l’expédition de l’Espagne contre le Maroc ; nous accorderions notre sympathie aux tribulations de la compagnie du percement de l’isthme de Suez, sans nous effrayer des conséquences ; nous aurions l’œil ouvert sur ce malade qu’on appelle l’empire ottoman, sans méconnaître qu’une si lente agonie peut durer longtemps encore ; nous trouverions l’Angleterre moins disposée que nous à porter un grand coup contre le Céleste-Empire, que nous n’en prendrions pas d’ombrage ; nous laisserions sans curiosité indiscrète l’empereur de Russie et le prince-régent de Prusse s’entretenir à Breslau, et nous assisterions aux agitations et aux disputes intestines de l’Allemagne autour de la réforme fédérale avec la patience qu’il convient d’appor-