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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/287

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tique qui se soude au rocher par une base homogène, c’est-à-dire hérissée de blocs bruts que des mains de géans semblent avoir jetés au hasard dans la maçonnerie. Tout le reste est bâti en laves taillées, et ce qui reste des voûtes est en scories légères et solides. Ces belles ruines de l’Auvergne et du Vélay sont des plus imposantes qu’il y ait au monde. Sombres et rougeâtres comme le dyke dont leurs matériaux sont sortis, elles ne font qu’un avec ces redoutables supports, et cette unité de couleur, jointe quelquefois à une similitude de formes, leur donne l’aspect d’une dimension invraisemblable. Jetées dans des paysages grandioses que hérissent en mille endroits des accidens analogues, et que dominent des montagnes élevées, elles y tiennent une place qui étonne la vue et y dessinent des silhouettes terribles que rendent plus frappantes les teintes fraîches et vaporeuses des herbages et des bosquets environnans.

À l’intérieur, le château de Murol est d’une étendue et d’une complication fantastiques. Ce ne sont que passages hardis franchissant des brèches de rocher à donner le vertige, petites et grandes salles, les unes gisant en partie sur les herbes des préaux, les autres s’élevant dans les airs sans escaliers qui s’y rattachent ; tourelles et poternes échelonnées en zigzag jusque sur la déclivité du monticule qui porte le dyke ; portes richement fleuronnées d’armoiries et à moitié ensevelies dans les décombres ; logis élégans de la renaissance cachés, avec leurs petites cours mystérieuses, dans les vastes flancs de l’édifice féodal, et tout cela brisé, disloqué, mais luxuriant de plantes sauvages aux arômes pénétrans, et dominant un pays qui trouve encore moyen d’être adorable de végétation, tout en restant bizarre de formes et âpre de caractère.

C’est là que je vis Love assise près d’une fenêtre vide de ses croisillons, et d’où l’on découvrait tout l’ensemble de la vallée. J’étais immobile, très près d’elle, dans un massif de sureaux qui remplissait la moitié de la salle. Love était seule. Son père était resté en dehors pour examiner la nature des laves. Hope courait de chambre en chambre, au rez-de-chaussée, avec le domestique. Elle avait grimpé comme une chèvre pour être seule apparemment, et elle était perdue dans la contemplation du ciel chargé de nuées sombres aux contours étincelans, dont les accidens durs et bizarres semblaient vouloir répéter ceux du pays étrange où nous nous trouvions. Je regardai ce qu’elle regardait. Il y avait comme une harmonie terrible entre ce ciel orageux et lourd, cette contrée de volcans éteints et mon âme anéantie, sur laquelle passaient encore des flammes menaçantes. Je regardais cette femme tranquille, enveloppée d’un reflet de pourpre, voilée au moral comme la statue d’Isis, ravie ou accablée par la solitude. Qui pouvait pénétrer dans sa pensée ? Cinq ans