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On l’apprivoise assez facilement. Il n’en est pas de même de l’aye-aye : c’est un animal extrêmement rare, à la mine éveillée, avec une tête ronde et de larges oreilles, le corps couvert d’un poil raide, la queue touffue, et rappelant aussi le singe par plusieurs de ses habitudes. M. Ellis eut le regret de ne pouvoir joindre un de ces animaux à la riche collection qu’il a emportée de l’île.

Parmi les produits de l’industrie indigène, la vannerie, les nattes et les outils de fer méritent surtout l’attention. L’intérieur de l’île est tellement riche en minerai, qu’il y a une région appelée d’un nom qui signifie la montagne de fer, Ambohimiangavo. Les procédés employés pour travailler ce métal ont fait des progrès, grâce à quelques Européens ; ils seraient encore susceptibles de beaucoup d’améliorations ; cependant ils fournissent des ouvrages d’un travail assez délicat.

Le marché au bétail, qui venait d’être rouvert, présentait une physionomie particulière ; on y voit figurer seulement des bœufs buffalos, avec une bosse entre les épaules. Les indigènes, qui estiment par-dessus tout cette espèce, n’ont jamais voulu permettre l’introduction de celles du Cap ; entre eux, le commerce du bétail n’a aucune activité, et il doit tout son intérêt à l’exportation. Les bâtimens qui viennent prendre un chargement fixent le nombre de têtes qu’ils demandent, et dont le prix est tarifé à 15 dollars chacune par l’administration, ce qui semble un taux bien élevé pour Madagascar. Ordinairement c’est cent ou cent cinquante animaux ; on en amène en plus une vingtaine, pour que les acheteurs puissent éliminer les sujets les moins avantageux ; puis le troupeau est conduit sur le rivage. L’embarquement est la grande affaire ; il s’effectue assez promptement, avec un système de câbles des plus compliqués. À bord, quand la traversée dépasse vingt jours, il est rare qu’on ne perde pas un certain nombre d’animaux ; aussi y aurait-il grand profit pour les bâtimens qui font ce commerce à employer la vapeur, car Bourbon et Maurice dépendent entièrement de la grande île sous le rapport du bétail. Sur les divers marchés, les paiemens se font en dollars, moitié et quart de dollars. Des changeurs sont chargés de couper et de peser ces pièces de monnaie.

Cependant la lettre adressée par M. Ellis à la cour d’Atanarive avant son départ de Maurice était restée sans réponse ; le voyageur renouvela sa demande : on lui fit savoir qu’il fallait qu’elle fût signée en même temps de M. Caméron. Vainement objecta-t-il que son compagnon avait été appelé au Cap et n’avait pu le suivre cette fois. Enfin, comme il insistait, on lui opposa la crainte du choléra. En effet, le fléau sévissait en ce moment à Maurice avec une nouvelle fureur, et les précautions les plus minutieuses étaient prises à Madagascar