Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

singulièrement le nombre des écrivains ; mais toute la médecine n’est pas heureusement renfermée dans l’enseignement officiel ni dans l’enceinte des académies : le mouvement est ailleurs. La méthode vicieuse et étroite qui règne dans les écoles ne peut séduire que les esprits vulgaires, préoccupés avant tout des résultats pratiques, et incapables de comprendre la nécessité d’avoir un ensemble de doctrines qui permette de contrôler les observations nouvelles par une vérification exacte, de coordonner les faits d’expérience en les subordonnant les uns aux autres, et de donner ainsi à l’art un caractère scientifique. Une réaction commence à s’opérer contre la routine scolastique ; elle s’achèvera par la force même des choses, on est en droit de l’espérer.

C’est au début de la carrière surtout, et d’une carrière longue et pénible, qu’il est utile et nécessaire de recevoir une direction ; dès lors la route s’aplanit. Ceux-là sentent tout le prix du bienfait dont l’éducation laborieuse s’est faite à travers mille obstacles. Les esprits difficiles ou curieux aspirent à la clarté, à l’ordre, à l’unité dans un ensemble qu’ils devinent, qu’ils ne peuvent embrasser, faute de connaître les rapports des élémens de composition et les lois de leur enchaînement. Tel est le besoin qu’on éprouve lorsque, poursuivant la vérité réelle, on s’élève au-dessus des résultats concrets et purement pratiques, lorsqu’on s’abstient avec dédain des subtilités oiseuses d’une spéculation illusoire. Comme le poète, comme l’artiste, le savant cherche aussi l’idéal, c’est-à-dire la plénitude d’une conception vraie, lumineuse, capable de satisfaire l’intelligence et de la charmer. Cet idéal est dans la réalité, c’est la science qui le poursuit et qui l’atteint, la science, fille du temps et des efforts de l’esprit, compagne de la civilisation, providence de l’humanité, intelligence éternelle, active et bienfaisante, qui dirige, organise et prévoit. Ni les promesses de la théologie, ni les visions de la métaphysique ne sont comparables aux résultats merveilleux que la science produit sans miracles, car ce qu’elle donne, elle le prend dans le monde sensible, elle le tire des choses réelles. Geoffroy Saint-Hilaire avait deviné ses conquêtes, et s’écriait comme un prophète : « Restons les historiens de ce qui est. »

Cette pensée du grand naturaliste résume admirablement l’esprit d’un ouvrage considérable destiné à faire un grand bien par sa valeur et son opportunité, et qu’il ne faut point juger par le titre, comme ces volumes estimables que la critique abandonne à la bibliographie. Le dictionnaire de médecine qui porte le nom de Nysten, entièrement refondu et remanié par MM. Littré et Robin, n’est pas une pure compilation, ni un simple glossaire, ni une suite de définitions par ordre alphabétique. En associant leurs efforts, les