Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle recueille, sans la transformer en tissus, et elle ne songe guère à lutter avec Lyon. C’est pourtant de ce côté qu’elle doit tourner ses efforts. La fabrication des tissus de soie est certainement pour elle une industrie naturelle, puisqu’elle produit la matière première en abondance et d’une excellente qualité. Elle ne peut pas espérer, il est vrai, égaler de si tôt l’élégante exécution des belles soieries lyonnaises ; mais, sans atteindre à ce degré de perfection, elle peut accomplir de grands progrès, et grâce à l’activité du commerce génois, se conquérir une place importante sur les marchés transatlantiques.

Depuis quelques années, la fabrication du fer s’est développée dans les montagnes de la Valteline et dans les provinces de Bergame et de Brescia. Cette industrie, fixée déjà au moyen âge dans ces cantons élevés, utilise les forces hydrauliques, mais elle ne se sert pour traiter le minerai que de charbon de bois. Elle produit par an en moyenne à peu près 11 millions de kilogrammes de fonte, qui, après les différentes manipulations qu’elle subit dans le pays, acquiert une valeur portée à 11 millions de lire[1]. Dans le Valcamonica seul, on comptait en 1857 sept hauts-fourneaux et cent trois forges. Le développement de cette production, qui fournissait jadis le fer des bonnes armes de Milan, est surtout entravé par la rareté du combustible, à laquelle on ne peut remédier qu’en reboisant les hauteurs.

Il serait superflu de mentionner ici quelques autres industries d’une importance toute locale et très secondaire. Arrivons à la véritable source de la prospérité du pays, son agriculture si renommée, et qui mérite en effet une étude détaillée. Ce n’est que depuis ces dernières années qu’on accorde aux travaux agricoles en Europe l’attention qu’ils réclament. Pendant quelque temps, l’économie politique se préoccupait trop exclusivement peut-être de la production industrielle et commerciale ; aujourd’hui, sans tomber dans l’exagération des physiocrates, on en revient à reconnaître, avec l’école économique française du XVIIIe siècle, l’importance prédominante de la production agricole, et l’on s’efforce de déterminer les causes de ses progrès ou de sa décadence. Ces études multipliées sur l’état de l’agriculture dans les divers pays offrent une utilité incontestable. Jusqu’à présent, ne connaissant ni leurs propres forces productives ni celles de leurs voisins, les peuples s’épouvantaient souvent de dangers chimériques, ou s’endormaient dans une trompeuse confiance. La connaissance plus exacte des faits dissipera ces ténèbres et ces incertitudes. Quand les résultats des travaux récens

  1. La lire autrichienne est le tiers du florin et vaut au pair 86,6 centimes.