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relâche, des récoltes de grains. Les deux tiers ou les trois cinquièmes de l’exploitation sont emblavés en froment ou en seigle, suivant la qualité du fonds, le reste en maïs, sauf quelques parties réservées à un peu de lin, de chanvre, de pommes de terre, de sarrasin, et à quelques légumes. Le sol est ainsi sans cesse occupé par des plantes épuisantes. Dans les champs de froment, on sème du trèfle, on le fait pâturer par le bétail, puis on l’enfouit à l’automne, et il sert d’engrais pour la récolte qui suit. Après le maïs, on sème du lupin, qu’on enfouit également. La seconde année, la terre qui a donné du maïs doit porter du froment, ainsi que la moitié de celle qui a déjà produit du blé ; l’autre moitié est réservée au maïs. Quant au bétail, il va de soi qu’il ne peut être très nombreux dans chacune de ces petites métairies. On le nourrit l’hiver avec la paille du froment mêlé de jeune trèfle, l’été avec la seconde pousse du trèfle, et avec toute l’herbe qu’on peut couper le long des chemins et des fossés. Quand on a un filet d’eau pour irriguer un petit pré, on peut entretenir une vache de plus, et par suite mieux fumer la terre. Ce système de culture a lieu de surprendre : il est incroyable qu’il n’épuise point le sol rapidement et complètement : Deux choses rendent possible cette succession non interrompue de céréales : le soin qu’on met à recueillir les engrais et les admirables façons que le cultivateur donne à la terre avec la bêche. En Lombardie, comme dans le pays de Waes en Flandre, c’est au moyen des engrais et de la bêche que la petite culture parvient à nourrir sur un terrain maigre la population la plus dense de l’Europe, et à payer une rente aussi élevée que celle des meilleures terres. Le sol est profondément défoncé : chaque motte est retournée, brisée et fertilisée par l’eau, qu’elle absorbe plus facilement, et par l’air, qui pénètre à travers toutes ses particules. Se l’aratro ha il vomero di ferro, la vanga ha la punta d’oro, dit le proverbe ; si la charrue a un soc de fer, la bêche a une pointe d’or. À vrai dire, dans cette région, la culture est du jardinage.

Le contrat de location généralement en usage est le métayage, avec des conditions plus ou moins favorables pour le cultivateur. Du côté de Bergame, le propriétaire se réserve la moitié de tous les produits (mezzeria). Du côté de Brescia, il en obtient souvent le tiers (terzeria). Du côté de Milan et de Côme, il prend la moitié des cocons et du raisin, mais il stipule une prestation fixe en céréales qui varie de 2,73 à 3,20 hectolitres à l’hectare suivant la fertilité de la terre. Autrefois le métayage à mi-fruit était général dans cette région. Des habitudes patriarcales unissaient les paysans aux propriétaires et aussi les paysans entre eux. Quatre ou cinq familles s’associaient pour exploiter une ferme en commun ; elles vivaient sous le même toit ; elles reconnaissaient aux champs l’autorité d’un chef, le reggitore, qui dirigeait les travaux, et autour du foyer celle d’une