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L’habitant des montagnes lombardes est laborieux, brave et probe. Il a le sentiment de la dignité humaine, car il est propriétaire ; il se sent indépendant, car il dort sous son propre toit ; il est économe et sobre : des châtaignes, quelques légumes, du pain très grossier, de la polenta de sarrasin ou de maïs, parfois un peu de lard, telle est sa nourriture. Les maisons, construites en briques et en pierres, sont beaucoup moins pittoresques et moins commodes que les chalets suisses ; les villages sont plus sales, les femmes moins bien mises, l’instruction moins répandue, le travail moins industrieux et moins prévoyant, l’aisance moins grande que dans les cantons. Jusqu’à ce jour, il manquait aux Lombards un ressort puissant, la liberté, dont leurs voisins jouissent depuis des siècles.

Maintenant descendons un peu plus bas : nous voici dans la région des collines et des hautes plaines. Cette région s’étend depuis le Lac-Majeur jusqu’au lac de Garde. C’est un très beau pays, mais qui, sauf quelques endroits, comme les environs de Varese et la riviera di Salò, présente un aspect très uniforme. Partout les champs sont plantés de mûriers qui, tous d’égale forme et d’égale grandeur, arrêtent la vue sans la charmer, ainsi que le font les ombrages et les troncs majestueux des grandes forêts. La terre est divisée entre un nombre infini de petites exploitations de 10, 6, 3 ou 2 hectares, dont quelques-unes sont cultivées avec des bœufs, mais la plupart à la bêche. La propriété est également dans un très grand nombre de mains : on compte une propriété par sept habitans. Les patrimoines ont généralement une étendue qui varie de 4 à 40 hectares ; ceux qui dépassent 100 hectares sont de rares exceptions. Les toutes petites parcelles ne sont point non plus trop fréquentes. La terre se loue 6, 8, 10, et même jusqu’à 14 et 16 lire, et se vend de 200 à 500 lire la pertica milanaise (6 ares 54 centiares). Le prix moyen de location de l’hectare doit donc être de 100 à 110 francs, et celui de vente de 3,200 à 3,500 francs. Le revenu des biens-fonds ne dépasse pas 3 pour 100 de la valeur vénale. La terre est en très grande partie exploitée par de petits propriétaires qui habitent les bourgades et les gros villages, et qui louent leurs biens à des métayers, de sorte que ceux qui vivent de la rente et ceux qui vivent de la culture forment deux classes séparées.

Le principal produit du sol est le mûrier, dont les feuilles nourrissent les vers à soie. Sous ces mûriers croissent le froment et le maïs, auxquels l’ombre de ces arbres ne paraît pas nuire. L’ombra del gelso è l’ombra d’oro (ombre de mûrier est ombre d’or), dit le paysan milanais. On cultive aussi la vigne, mais le vin est considéré comme un produit accessoire. À cette terre médiocrement fertile, qui porte déjà le mûrier et la vigne, le cultivateur parvient donc, par une sorte de miracle agronomique, à faire produire encore sans