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social. Ceci explique comment les petits métayers toscans dont s’est occupé M. de Sismondi vivent mieux sur un bien de 2 ou 3 hectares que des fermiers qui exploitent une superficie vingt et trente fois plus grande dans les pays où dominent exclusivement les baux à ferme. On comprend aussi pourquoi la plupart de ceux qui ont vu pratiquer le métayage en Italie en ont parlé avec faveur et même avec enthousiasme. Le système du bail à ferme assure sans doute au fermier la jouissance entière du produit, déduction faite de sa redevance ; mais il a l’inconvénient très grave de faire tourner au détriment, de celui-ci, lors du renouvellement du bail, toutes les améliorations qu’il aura pu faire. Si, par un labour plus profond, par un meilleur écoulement des eaux, par l’emploi d’amendemens coûteux, ou par suite de toute autre cause, la terre est devenue plus féconde ou est plus recherchée, le fermier devra payer un fermage plus élevé : loin de jouir du profit de la plus-value, résultat de son travail, c’est lui désormais qui en paiera l’intérêt. Arthur Young a pu dire à ce propos avec une grande exagération, mais avec un vif sentiment d’équité : « Donnez à un individu un jardin avec un bail de neuf ans, et il en fera un désert. » Il y a beaucoup de terres qui, avec des baux de neuf ans, sont parfaitement cultivées ; mais il n’en est pas moins, vrai que les fermages vont en augmentant sans cesse, et que cette augmentation croissante pourrait avoir pour effet de diminuer un jour chez les locataires le goût du travail et le désir d’améliorer le sol qu’ils occupent.

Malheureusement en Lombardie le métayage s’est déjà écarté et tend chaque jour à s’éloigner davantage des conditions primitives du contrat, qui fixait, d’après la coutume locale et traditionnelle, la part du cultivateur. Depuis longtemps déjà, du côté de Côme et de Milan, au partage par moitié, qui ne s’applique plus qu’aux produits des plantations, aux raisins et aux cocons, on a ajouté la clause de la prestation annuelle d’une quantité déterminée de grains. Cette prestation ne se réglant plus d’après les usages locaux, mais d’après les exigences des propriétaires et les offres des locataires, il s’ensuit que le métayage perd son caractère de fixité, et tombe sous la loi d’accroissement qui règle le fermage. Cette clause, qui a pour résultat de faire jouir les propriétaires seuls de toute la rente, tend de plus en plus à passer dans les habitudes. Là même où elle n’a pas encore été adoptée, l’antique contrat a subi d’autres modifications non moins regrettables. La cherté des denrées et surtout de la soie dans ces derniers temps ayant notablement augmenté les profits des métayers, les propriétaires ont profité de cette circonstance pour introduire des stipulations nouvelles. Tantôt ils prennent une part plus grande que la moitié dans la récolte des cocons, tantôt ils se réservent une portion des feuilles du mûrier qu’ils vendent