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à leur bénéfice, tantôt ils prélèvent d’abord un dixième sur le produit total, puis partagent le reste. Ces stipulations et bien d’autres du même genre ont toutes le même but et le même résultat : elles ont pour but d’assurer au propriétaire tout le bénéfice de l’augmentation croissante de la rente ; elles ont pour résultat d’enlever au métayer la sécurité que lui assurait le contrat primitif. Il s’ensuit que désormais le métayage est sujet au même inconvénient que le bail à ferme, sans offrir les mêmes compensations. Si donc il paraît démontré que le métayage est préférable au fermage, au moins pour le cultivateur, il faut bien avouer aussi que ces contrats mixtes sont inférieurs au fermage sous tous les rapports. Ils n’assurent pas mieux que le fermage le sort du métayer pour l’avenir, et ils l’empêchent de jouir seul, au moins pendant la durée du bail, des fruits de son activité et de son intelligence.

Deux circonstances aggravent encore les mauvais effets de ces contrats mixtes : c’est d’abord l’emploi d’intermédiaires qui louent, moyennant une somme fixe, le droit de percevoir les prestations de tous les métayers résidant sur un domaine ; en second lieu, les locations aux enchères publiques. Les établissemens religieux, les administrations de bienfaisance et les grands propriétaires désirent naturellement se débarrasser des soins très compliqués de la rentrée de leurs redevances : ils s’adressent donc à des agens qui remplissent la même fonction que les anciens traitans. Ensuite, ne pouvant évaluer avec précision leurs redevances et voulant néanmoins obtenir le plus grand revenu possible, ils mettent la récolte en adjudication. Les traitans, poussés par les enchères à donner le plus haut prix, sont forcés à leur tour, afin de ne pas perdre, d’arracher aux métayers une part toujours plus forte du produit, et ils s’ingénient à trouver des clauses qui soient de nature à grossir la recette. Si les cultivateurs acceptent ces clauses (et souvent ils y sont obligés), on les voit s’introduire peu à peu dans les usages ; elles sont assez promptement adoptées par les petits propriétaires, puisqu’elles augmentent leur revenu, et bientôt elles deviennent « de style » dans la rédaction des nouveaux contrats. La formule de Turgot s’applique alors avec une rigueur un peu trop mathématique : il n’est même pas toujours certain que les cultivateurs aient le nécessaire.

Dans la plaine, où dominent les baux à ferme, les locations aux enchères ont des conséquences moins fâcheuses. Comme il y faut un capital considérable pour entretenir une exploitation, les concurrens sont moins nombreux, et comme ils ne sont pas forcés de conclure sous peine de perdre leur gagne-pain, ils se gardent, d’offrir un prix qui ne leur assurerait pas un bénéfice suffisant. Il y a aussi