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l’expérience qui se poursuit en Italie comme pour la tranquillité de l’Europe.

Ce sont surtout les répugnances que le congrès rencontre dans l’opinion anglaise que nous voudrions voir surmontées. Nous ne serions pas surpris que l’Autriche ne fût guère pressée de soumettre les affaires italiennes à une délibération européenne ; elle peut compter sur le bénéfice du temps, et verrait sans douleur et sans effroi l’Italie en proie aux menées mazziniennes. L’Angleterre, qui porte à l’Italie un intérêt sincère, ne peut pas exposer froidement la cause de la liberté italienne à de telles aventures : c’est pourtant ce qu’elle ferait, si la réunion du congrès était ajournée par sa faute. Le ministère anglais, nous le reconnaissons, a devant lui de graves difficultés. L’opinion anglaise est arrivée à un rare degré d’unanimité sur la question italienne, et l’on peut dire que les sentimens exprimés par lord Ellenborough dans sa lettre à lord Brougham sont ceux de tous ses compatriotes. Le Times disait récemment que les plus illustres chefs parlementaires, lord John Russell, M. Gladstone, M. Disraeli, ne réuniraient pas 20 voix dans la chambre des communes, s’ils osaient proposer la restauration du grand-duc à Florence. Le ministre des affaires étrangères, lord John Russell, est un des plus anciens amis de la cause italienne, et il jouerait en quelque sorte l’honneur de sa carrière, s’il entrait dans un congrès sans être sûr d’avance d’y faire adopter les conditions essentielles et permanentes de l’indépendance de la péninsule. Le parti tory, prévoyant les écueils d’un congrès, s’est dès le principe montré hostile à cette combinaison. Or le cabinet actuel n’est soutenu dans la chambre des communes que par une majorité effective de sept voix. Il peut, au moindre faux pas, tomber devant ses adversaires. Ceux-ci ne sont point, il est vrai, pressés de prendre le pouvoir : mais la patience même qu’ils affectent est un signe du sentiment qu’ils ont de leur puissance. La grande démonstration conservatrice qui a eu lieu à Liverpool il y a quinze jours est un curieux symptôme de la confiance qui anime en ce moment le parti tory. Six cents conservateurs de la grande métropole commerciale de l’Angleterre ont voulu rendre un hommage public à lord Derby et aux principaux membres du dernier cabinet. Sur ce théâtre, que Canning choisit autrefois pour y prononcer le manifeste le plus retentissant de sa politique, lord Derby et M. Disraeli ont déployé avec éclat les couleurs de leur parti. Ils ont fait l’histoire du nouveau parti conservateur. Lord Derby a rappelé que c’était sur le conseil même du duc de Wellington qu’après la grande scission de sir Robert Peel il avait rallié autour de lui les élémens dispersés de la phalange conservatrice, et M. Disraeli a pu comparer avec un légitime orgueil ce qu’était ce parti dans la chambre des communes, lorsqu’il en prit la conduite il y a dix ans, avec ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il ne leur a pas été difficile de faire sentir où résidait leur force : lord Derby a montré que les conservateurs, à peu près égaux par le nombre aux autres fractions réunies de la chambre des communes, avaient sur elles l’avantage d’être un parti uni, compacte et discipliné. M. Disraeli est allé plus loin : il s’est vanté, non sans raison, d’avoir enlevé à ses adversaires le monopole du libéralisme. L’un et l’autre, ils ont parlé avec réserve de la politique étrangère ; ils ont exprimé leur confiance dans le maintien de la paix, en dépit de l’incertitude des situations et des paniques de l’opinion. Ils n’ont été précis que sur deux points : lord Derby a conseillé encore au