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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/595

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aussi évasives, cette résolution fut sans délai mise à exécution, et au commencement d’avril 1858 les représentans des quatre puissances partirent de Shang-haï pour se rendre dans le golfe du Petchili, où ils comptaient, appuyés par la présence des escadres, reprendre les négociations.


II

Pendant que la diplomatie se transporte à toute vapeur vers le golfe du Petchili et affronte les parages les plus tourmentés de la mer de Chine, nous pouvons à loisir examiner les documens politiques et commerciaux que lord Elgin avait recueillis au début de sa mission, et qui pouvaient lui fournir d’utiles indications pour la discussion d’un nouveau traité. L’ambassadeur anglais s’était adressé aux consuls, aux chambres de commerce, aux chefs des grandes maisons établies dans les ports chinois, et de toutes parts on lui avait transmis avec empressement les détails les plus complets sur les diverses branches du négoce. C’était là en effet une occasion unique pour préparer le développement du trafic, déjà immense, que la Grande-Bretagne et l’Inde entretiennent avec la Chine. Sans refuser à l’Angleterre le mérite de préoccupations d’un autre ordre, sans contester la sincérité de son zèle pour la civilisation et pour la foi chrétienne, on peut dire qu’elle n’a jamais voulu, et avec raison, intervenir dans les affaires du Céleste-Empire qu’en vue de l’intérêt commercial, et qu’elle ne se soucierait nullement d’aller combattre si loin pour le triomphe d’une idée. Il s’agissait donc principalement pour lord Elgin d’obtenir des conditions plus favorables au commerce étranger, et d’agrandir la brèche que le traité de Nankin (1842) avait pratiquée dans la vieille muraille de Chine. Aussi fut-il littéralement assailli par une avalanche de rapports commerciaux et de mémoires statistiques que l’on trouvera en grande partie reproduits dans le blue-book.

En 1842, l’ensemble des transactions britanniques en Chine, y compris les échanges entre ce pays et l’Inde, représentait une valeur de 200 millions de francs. Ce chiffre, s’élevant graduellement, a atteint pendant ces dernières années 500 millions. Le progrès est donc très sensible ; cependant il n’a point répondu aux espérances que l’on avait conçues lors de la conclusion du traité de Nankin. Si le trafic illicite de l’opium s’est développé au profit de l’Inde, si les exportations du thé et des soies de la Chine pour l’Angleterre se sont accrues dans une forte proportion, les envois de la métropole en produits fabriqués, en tissus, n’ont pas obtenu le développement que l’on prévoyait. De là un grave mécompte industriel et même