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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/597

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envers le commerce étranger, dans les ports, les engagemens que lui imposent les traités. Il n’en est plus de même pour les douanes intérieures. Chaque province a son budget spécial, qui doit à la fois suffire à ses dépenses ordinaires, et laisser à la disposition du gouvernement central une somme plus ou moins considérable pour les dépenses générales de l’empire. Les gouverneurs de provinces établissent donc les impôts qui sont jugés nécessaires, ils les augmentent ou les diminuent suivant les circonstances, ils règlent les tarifs de douane et de transit sur les frontières de leurs territoires, de telle sorte que l’administration siégeant à Pékin pourrait même ignorer la source des revenus sur lesquels on lui envoie la redevance annuelle. Exiger que dans un empire aussi vaste le pouvoir central entre dans tous les détails de dépenses et de recettes, qu’il se préoccupe des taxes perçues à la frontière de chaque province, ce serait en vérité demander l’impossible. Il est probable du reste que ces droits de transit s’appliquent aux marchandises chinoises comme aux marchandises étrangères, ce qui atténuerait beaucoup la gravité du reproche adressé à l’administration de l’empire. Enfin les négocians anglais se plaignent de la coalition des négocians indigènes, qui, favorisés par le système de restrictions, et se trouvant seuls maîtres du marché intérieur, dicteraient la loi aux Européens, feraient à volonté la hausse ou la baisse, et arriveraient ainsi à ressusciter sous une autre forme les abus que l’on avait voulu supprimer en abolissant, par le traité de 1842, la corporation des hanistes. Sans être poussée aussi loin que l’ont prétendu les négocians anglais, la reconstitution d’une sorte de commerce privilégié dans les ports est la conséquence même du régime particulier auquel demeurent soumises les transactions avec la Chine. Dès que la faculté d’effectuer les échanges est limitée à quelques ports seulement, les négocians indigènes établis dans ces ports jouissent, à l’égard du commerce européen, sinon d’un monopole absolu, du moins de l’avantage très réel que leur donnent la connaissance exacte des besoins intérieurs et leur position d’intermédiaires obligés, et il en sera ainsi, dans une mesure plus ou moins forte, tant que le Céleste-Empire ne sera pas complètement ouvert aux transactions directes avec les autres nations.

Tel est, en peu de mots, le résultat de l’enquête commerciale ordonnée par lord Elgin. Les accusations portées contre la mauvaise foi des Chinois tombent en grande partie devant le simple exposé des faits. Rien n’indique que systématiquement, de parti-pris, le cabinet de Pékin ait songé à annuler par des actes d’administration intérieure l’effet des concessions accordées en 1842. Tout porte à croire d’ailleurs qu’il se soucie fort peu soit du progrès, soit du ralentissement