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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/598

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du commerce étranger, car, en présence des énormes chiffres de production et de consommation que les statisticiens pourraient accumuler au sujet de la Chine, les quantités de marchandises importées ou exportées sont tout à fait insignifiantes. Les caisses de thé et les balles de soie expédiées en Europe et en Amérique ne forment qu’une portion infiniment petite de la production totale ; l’introduction des tissus anglais n’influe en rien sur la condition des manufactures indigènes, et il ne paraît pas que le gouvernement de l’empire chinois ait à se débattre contre les exigences d’un parti prohibitioniste ou protectioniste. C’est une tradition politique qui règle son attitude vis-à-vis des étrangers : l’intérêt commercial n’a aucune importance à ses yeux ; mais ce qui n’est rien pour lui est tout ou presque tout pour les puissances étrangères qui frappent aux portes de la Chine, et lord Elgin trouvait dans l’enquête l’indication des points sur lesquels il devait particulièrement insister auprès du cabinet de Pékin dans l’intérêt des échanges. Réduction des droits de douane et de transit, et surtout ouverture de nouveaux ports, avec la faculté pour les étrangers de visiter les grands marchés échelonnés sur le cours du fleuve Yang-tse-kiang, voilà le programme qui lui était tracé. Si, conformément à l’invitation qu’il avait reçue, il était retourné à Canton pour y traiter avec le commissaire impérial nommé à la place de Yen, il eût obtenu probablement, et sans trop de difficulté, la révision des tarifs et l’admission des Européens dans quelques ports ; mais le droit de circuler en Chine et de remonter le Yang-tse-kiang eût été obstinément refusé, car cette question, si simple en apparence, se complique de détails qui intéressent les principes mêmes du gouvernement et la police de l’empire. La population étrangère qui va chercher fortune dans l’extrême Orient ne se compose pas uniquement de négocians paisibles qui, occupés des soins de leur négoce, ne songent qu’à acheter à bon marché et à vendre très cher, en obéissant d’ailleurs aux lois établies et aux prescriptions de leurs consuls ; il y a là aussi des aventuriers qui n’ont ni patrie ni consuls, et qui, du jour où ils auraient le champ libre, s’abattraient à l’intérieur du pays sous prétexte de commerce, troubleraient les habitudes des Chinois, feraient perdre la tête aux mandarins, et ne tarderaient pas à provoquer de graves désordres. Lord Elgin comprenait donc qu’il rencontrerait de nombreuses objections contre un changement aussi considérable, qu’il devrait, en retour des concessions demandées, offrir des garanties, et que, pour élargir le cercle des relations entre étrangers et Chinois, il fallait en même temps, à titre de sécurité mutuelle, étendre et régulariser les rapports diplomatiques. C’était à Pékin désormais, dans la capitale de l’empire, et non plus