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sur les chrétiens, il a répondu que « cette secte ne recrute guère d’adhérens que dans le bas peuple, et ne compte dans son sein aucun lettré ; ses livres parlent d’un Jésus qui a été cloué sur une croix ; ils exhortent à la vertu et aux bonnes œuvres. En temps ordinaire, les chrétiens ne sont pas dangereux ; mais, comme il y a entre eux une grande unité de doctrine, il se pourrait, aux époques de trouble, qu’un chef intelligent sorti de leurs rangs entraînât le peuple et mît le trouble dans le pays. C’est ainsi que l’on a arrêté dans la province du Chen-si plusieurs individus qui professaient la doctrine du Seigneur du ciel, et que l’on soupçonnait de connivence avec les révoltés. » Ce lambeau de conversation suffit pour montrer que les persécutions dirigées en Chine contre les religions étrangères sont inspirées, non par un sentiment de fanatisme, mais par un intérêt de police.

Dès que MM. Mac-Lane et Bowring furent partis de Tien-tsin, le conseil de l’empire s’empressa d’adresser aux gouverneurs du littoral une circulaire confidentielle pour les tenir au courant de la situation, et pour les engager à examiner impartialement, sans faiblesse, les mesures de détail sur lesquelles le mandarin Tsoung-lun avait promis une décision. « Les barbares, disait cette circulaire, ne songent qu’à une chose : gagner de l’argent. Tout ce qu’ils veulent en courant ainsi de côté et d’autre, c’est d’augmenter leur commerce et de voir diminuer les droits de douane. En leur faisant quelques petites concessions, on leur fermera la bouche. » Du reste, les gouverneurs recevaient l’ordre de bien veiller, de tenir l’empereur informé de toutes les manœuvres des étrangers, et d’avoir l’œil sur M. Klecszkowski. Ainsi se termine la correspondance chinoise sur la tentative de 1854.

Mais les mandarins n’étaient pas au bout de leurs peines. En février 1856, le gouverneur de Shang-haï eut encore la triste mission d’annoncer que les ministres d’Angleterre et des États-Unis devaient se représenter prochainement pour solliciter la révision des traités. La chancellerie de Pékin se remit sans délai à l’œuvre et adressa, le 24 mars, au vice-roi de Canton Yeh des instructions dont il convient de citer au moins un extrait, parce qu’elles indiquent clairement le sens que le gouvernement chinois attachait aux traités conclus de 1842 à 1844, et qu’elles expliquent l’attitude politique du vice-roi envers les Européens jusqu’à la rupture définitive des rapports à Canton.


« Les traités qui ont ouvert les cinq ports contiennent une clause qui prévoit le cas où ils pourraient être révisés ; mais par cette clause nous avons seulement voulu dire que si l’expérience révélait des abus, des difficultés d’exécution, nous ne verrions pas d’objection à admettre quelques légers changemens.