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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/669

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mettre son petit-fils à Madrid, c’est la contagion de son exemple et la guerre funeste de 1808.

Après M. de Carné, il serait oiseux de rappeler ce que la régence du duc d’Orléans a fait pour rétablir une bonne politique de l’extérieur. Les affaires étrangères sont le beau côté de ce gouvernement. Je ne sais si le gouvernement de Louis XV a un beau côté ; mais il serait difficile au plus versé dans notre histoire diplomatique de répondre sans hésiter à cette question : quelle sérieuse et décisive raison avait la France d’entreprendre les trois guerres du règne de Louis XV ? Les deux premières du moins ont fait honneur à nos armes. Cependant, si celle de 1734 nous a valu la possession de la Lorraine, c’est par le résultat le plus inattendu et par une heureuse et subite conception qui, si elle vient du cardinal de Fleury, est la seule qu’il ait eue dans sa longue administration. Quant à la guerre de 1741, tout ce que nous apprend l’histoire, c’est qu’elle a été commencée pour plaire au comte de Belle-Isle ; mais il m’a toujours été impossible de comprendre quel était le but de la belle campagne du maréchal de Saxe dans les Pays-Bas, et lorsqu’en signant le traité d’Aix-la-Chapelle, Louis XV dit ce mot vanté par Voltaire : « J’ai fait la paix en roi et non en marchand, » cela ne pouvait signifier que ceci : Je n’ai rien gagné à la guerre, parce que je l’ai faite pour mon plaisir. Il y a des temps où l’on admire ces sentimens-là. Vint ensuite la guerre de sept ans ; mais il vaut mieux n’en point parler. Rappelons-nous seulement que ces trois guerres amenèrent deux ruptures avec la Grande-Bretagne, dont l’une nous laissa le souvenir de Fontenoy, et l’autre des souvenirs fort différens. Mettons qu’ils se compensent ; le tout s’est terminé par la plus triste paix de nos annales, avant celle que nous ont value les revers de l’empire. C’est peut-être au ressentiment que le traité de Paris avait laissé à la France qu’il faut attribuer l’adhésion donnée par le cabinet de Louis XVI à la révolution d’Amérique. C’est du traité de Paris que date ce fonds de jalousie qui se laisse entrevoir dans toute l’Europe contre la Grande-Bretagne, et que le ton souvent rude de sa diplomatie a imprudemment entretenu. Aussi, lorsque quelques années plus tard, on commença à soupçonner que les treize colonies de l’Amérique du Nord pourraient bien lui échapper, une secrète satisfaction se décela même chez ses alliés, et l’intérêt du monde fut pour les insurgens. Ainsi le cabinet de Versailles fut amené à flatter une opinion plus désintéressée, et qui n’aimait dans le soulèvement des États-Unis que la résistance à l’oppression. Si la cause de la liberté ne m’était chère avant tout, si je ne croyais que la révolution d’Amérique, a pu contribuer à la révolution française, j’hésiterais, malgré des noms fort imposans pour moi, à approuver le rôle que joua la