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pays il fit le point d’appui de tous ses desseins, et qui voudra rechercher, soit dans les entretiens de Sully avec son maître, soit dans les confidences que fit Jeannin à Richelieu, les pensées de Henri IV sur le rôle de la France, croira l’entendre lui-même exposer le plan admirable qu’il léguait à sa race, et dont l’héritage fut recueilli par Richelieu et Mazarin plus fidèlement que par Louis XIII et Louis XIV. Les Stuarts ne furent pas beaucoup plus fidèles à la tradition d’Elisabeth, et ce qui manqua à cette malheureuse dynastie fut, entre tant d’autres choses, une politique nationale. L’esprit d’absolutisme déclara la guerre dans les deux pays à toutes les résistances, et il y gagna dans l’un une révolution qui devait aboutir à la liberté, dans l’autre une monarchie despotique qui devait mener à une révolution.

Mazarin avait réconcilié la France avec Cromwell, et il forçait le futur Jacques II à faire sous Turenne la guerre aux Espagnols, devenus les seuls protecteurs de sa maison ; mais quatre ans après c’était Louis XIV qui stipendiait les Stuarts sur le trône, et on lui promettait bientôt en échange de convertir l’Angleterre. Cette alliance, fondée sur des idées d’intolérance, d’intervention, de conquête et d’absolutisme, ne ressemblait guère à l’alliance de Henri IV et d’Elisabeth. Louis XIV n’est pas certes un roi ordinaire. Son dévouement à ses devoirs tels que les concevait son orgueil, son application, sa persévérance, son jugement droit, qui se montre dans l’exécution plus que dans la conception de ses desseins, en font la digne personnification d’un grand plutôt que d’un bon gouvernement ; mais son passage sur le trône, glorieux pour sa mémoire, a été funeste à sa maison. Sa politique étrangère, toujours inspirée par une personnalité altière, a fait au nom français un mal dont notre pays a longtemps souffert et souffrirait encore, s’il n’avait eu depuis lors d’autres fautes à expier. Le malencontreux complot des deux hôtes de Versailles et de Saint-James pour détruire de compte à demi, par force ou par ruse, la religion et la liberté de l’Angleterre, cette guerre impolitique déclarée à la réformation, cette guerre de royauté à république dont la Hollande était le champ ou le but, voilà les fautes qui, avec l’infaillibilité de la réaction après l’action, amenèrent la représaille implacable de Guillaume III et les calamités de la guerre de la succession. Quoique de bons historiens défendent encore l’acceptation du testament de Charles II, il serait difficile de montrer les profits réels qu’a tirés la France du fardeau de l’alliance espagnole ; le mal qu’elle aurait pu craindre de l’abandon de l’Espagne à sa décadence naturelle paraît peu de chose, comparé aux avantages qu’un bon traité de partage pouvait lui assurer à jamais. Ce que nous avons gagné de plus net à voir Louis XIV