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encore plus ancien. Quoique le nouveau grès rouge ne soit point particulièrement une formation montagneuse, il communique çà et là au paysage des traits vifs et accentués. Linceul d’une ancienne mer, ce terrain a été troublé à son tour par la tempête des événemens géologiques. Cette tourmente des roches qu’on peut suivre de colline en colline, comme les mouvemens d’un océan qui se soulève, jette sur les vertes plaines du Cheshire un caractère de grandeur et de beauté sérieuses. De temps en temps, ces collines, recouvertes de bruyères, se déchirent, et laissent entrevoir dans leur flanc mis à jour des ocres rouges sur lesquelles semble avoir coulé le sang des Titans.

Cette formation n’est point la seule dans le monde où le sel se rencontre à l’état solide et comme tout préparé par les mains de la nature. Il existe dans d’autres contrées de la terre des plaines recouvertes de sel qui s’étendent à perte de vue ; il existe même des montagnes de ce minéral qui s’élèvent jusqu’à dix mille pieds au-dessus du niveau actuel de la mer. On trouve aussi dans les autres pays ce condiment enfoui à diverses profondeurs dans les différentes couches de la formation secondaire. En Angleterre toutefois, c’est seulement dans le nouveau grès rouge que se montrent les roches de sel. Une telle circonstance donne au terrain dont il s’agit une grande valeur économique. C’est une raison de plus pour nous demander d’où viennent ces richesses minérales, et comment elles se sont formées. L’origine de ces immenses dépôts souterrains est aussi ténébreuse que se montre importante la source du commerce auquel donne maintenant lieu en Angleterre l’exploitation des mines de sel. Quelques naturalistes ont attribué les masses de sel gemme, rock salt, qu’on rencontre dans le nouveau grès rouge à d’anciens lacs évaporés sous l’action du soleil ou à d’anciennes mers depuis longtemps évanouies. Une opinion plus vraisemblable est que ces champs de sel ont été déposés dans des lagunes qui communiquaient avec l’Océan, tel qu’il existait alors. Cette origine s’appuie du moins sur des faits naturels qui se continuent de nos jours à la surface du globe terrestre. Il y a dans l’Amérique du Sud des flaques d’eau salée qui ne sont, d’après le récit des voyageurs, ni terre ni mer, c’est-à-dire que l’Océan les recouvre durant une partie de l’année et les abandonne durant l’autre partie à la chaleur desséchante du soleil. Il se passe alors dans ces lagunes ce qui a lieu dans les salines artificielles, — larges et plates étendues de terre ou de sable, entourées de digues comme les polders de la Hollande, et dans lesquelles, à certains temps de l’année, la main de l’homme introduit la mer. Le soleil boit l’eau, et le sel se précipite en cristaux sur le lit desséché de ces réservoirs. Il a fallu sans doute des siècles et des siècles pour