entasser couche par couche en vertu d’un tel mécanisme les énormes roches de sel ensevelies maintenant dans les profondeurs de la terre. La masse du nouveau grès rouge, les reptiles éteints qui ont gravé l’empreinte de leurs pas sur les sables aujourd’hui durcis et pétrifiés, les changemens survenus dans la distribution des terres et des mers, tout proclame en effet l’antiquité de ces roches et la durée de l’âge triasique. Si long que semble cet âge, il n’a été lui-même qu’un épisode dans l’histoire du globe terrestre, et les mers d’alors, changées en sel comme la femme de Loth, pour avoir regardé derrière elles dans le passé, ont été remplacées par le mouvement de la création à la surface de la Grande-Bretagne.
À l’histoire ancienne de la nature il nous faut opposer les traits du paysage vivant, les prairies tondues par le bétail, les champs moissonnés par la faux, les rivières chargées de voiles, les hameaux, les villes. Sur ce nouveau théâtre de faits, nous rencontrerons l’homme et les ouvrages de l’homme. Le terrain triasique n’est pas seulement intéressant au point de vue de la géologie et du commerce ; il fournît aux arts, surtout à l’architecture, des matériaux qui ont une valeur. J’ai visité dans le Cheshire des carrières de grès rouge que l’on exploite depuis des siècles. Cette pierre est d’ailleurs facile à extraire. Un ou deux ouvriers dessinent dans la roche à l’aide du pic la figure à peu près parallélépipède du bloc qu’on se propose de détacher. Quand la forme de la pierre est ainsi dégagée, on rompt à l’aide d’un levier, sur lequel appuient deux hommes, la base du bloc, qui adhère encore à la roche-mère. Ces masses obéissent ensuite à la main, soulevées qu’elles sont du fond de la mine par de puissantes grues qui les déposent sur une plate-forme. Les ouvriers qui travaillent dans ces carrières gagnent 3 shillings par jour. Ces roches de grès rouge sont excessivement abondantes et se rencontrent quelquefois à fleur de terre. J’ai vu sur le chemin de Chester à Northwich un village dont les rues sont pavées au moyen de ce dallage naturel. La roche sert d’assise et de fondement aux maisons de brique ; des marches d’escalier ont même été taillées çà et là dans l’épaisseur de la couche exposée à l’air. Le nouveau grès rouge a contribué pour une large part, dans certains districts de l’Angleterre, aux édifices du moyen âge, — les églises et les châteaux. Un des plus beaux types de cette roche appliquée à l’architecture est la cathédrale de Hereford ; mais je choisirai de préférence, entre les villes qui doivent leur existence et leurs monumens au nouveau grès rouge, l’antique cité de Chester.
Chester ne ressemble à aucune autre ville de l’Angleterre, et je n’ai rien vu de pareil sur le continent. Son histoire est très ancienne. Les Romains lui avaient donné le nom de Deva, sans doute parce qu’elle