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est située sur la rivière Dee, en latin Dea. La forme actuelle de la ville, la division de ses rues en quatre quartiers, tout cela est pour ainsi dire une empreinte romaine. Avant d’être une cité, Chester était un camp, et cette station militaire, occupée jadis par les maîtres du monde, a donné ses principaux traits à la ville qui l’a remplacée. On a trouvé différentes traces du séjour des Romains, des autels avec des inscriptions grecques et latines, des mosaïques, des médailles, des figures de porc en plomb, monumens curieux de l’industrie métallurgique, alors dans l’enfance, mais à laquelle la Grande-Bretagne doit aujourd’hui une partie de ses richesses. Cette ville est un musée : l’ère celtique, la période normande, le moyen âge, la réforme religieuse et la renaissance ont gravé des souvenirs dans ce vieux grès rouge où des animaux éteints avaient déjà imprimé les vestiges de leur passage[1]. Avec ses édifices de pierre molle et friable qui s’émiettent au vent, avec ses vieilles maisons qui penchent, avec ses chroniques d’un autre âge, Chester parle à chaque pas au voyageur de la fragilité des choses humaines et des ravages du temps ; mais il parle de tout cela en philosophe. Ce langage des pierres n’a rien de triste ni de désespéré ; il porte au contraire dans les cœurs les plus troublés un sentiment de paix et de douce mélancolie. Il y a tant de repos dans ces rues que n’agite point le bourdonnement des affaires, tant de quiétude, grave dans les anciens monumens, tant de calme et d’affabilité heureuse sur les visages. La toilette des femmes, quoique élégante, a elle-même un caractère tranquille. Ce sont des robes d’été aux couleurs fraîches et joyeuses, mais discrètes. Chester est la métropole d’un district où fleurit l’agriculture. Les deux parties de la ville qui méritent surtout d’arrêter l’attention d’un étranger sont les remparts, City Wall, et les Rows.

Les remparts de Chester constituent le seul modèle parfait qui existe en Angleterre de cet ancien ordre de fortifications. C’est un mur élevé, assez large pour que deux personnes s’y promènent de front, et qui entoure toute la ville. Bâti durant le moyen âge, ce mur repose sur les fondemens d’un ancien mur construit par les Romains. On peut encore voir, au moins dans un endroit, la base déchaussée de cette construction romaine, qui a servi de racine à des ouvrages plus modernes. Ainsi enfermée dans un corset de grès rouge, la ville ne peut ni s’étendre ni s’agrandir. Les remparts de Chester forment une promenade agréable et peut-être unique dans le monde. Ces fortifications, taillées dans la roche et qui ont été élevées pour détruire la vie de l’homme, servent aujourd’hui à la prolonger, car les convalescens,

  1. À Chester, il suffit presque de creuser pour retrouver des restes d’architecture. J’ai vu trois cryptes de différens styles qui servent d’arrière-boutique ou de cellier à des négocians de la ville.