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un certain sens que l’Adoration des Mages par exemple ou le Passage de la Mer-Rouge. Et cependant quoi de plus inattendu que l’ordonnance de ces deux scènes, telles qu’elles nous apparaissent sur les murs de Saint-Germain-des-Prés ? quoi de plus conforme au texte qu’il s’agissait de traduire et de plus éloigné en même temps des interprétations banales auxquelles les images de sainteté et la plupart des tableaux d’église ont habitué nos yeux ? Il en est des élémens que M. Flandrin avait à mettre en œuvre, de ce programme dont il a su rajeunir les termes, comme des formes consacrées du langage, qui, par la variété des combinaisons, suffisent à tous les désirs de l’imagination et s’assouplissent à toutes les pensées. Point d’innovations à force ouverte, point de néologismes pittoresques ni de témérités systématiques, mais aussi rien qui ressemble à ces phrases toutes faites, à ce verbiage littéraire, à cette fausse correction dont un esprit médiocre s’accommode, parce qu’il y trouve une sorte de laisser-passer pour des idées rebattues, ou d’excuse pour des idées absentes. M. Flandrin sait trop bien ce qu’il veut dire, il respecte trop les sujets qu’il traite, pour recourir à ces artifices vulgaires. Si dans quelques parties du travail qu’il achève l’expression manque un peu d’énergie, cette insuffisance accidentelle est rachetée par l’élévation du sentiment, et là même où le peintre paraît faiblir, là où quelque chose s’efface ou se dérobe dans les dehors de sa pensée, les intentions gardent au fond leur justesse accoutumée, et les principes du goût toute leur noblesse.

Serait-il fort à propos d’ailleurs de signaler dès à présent dans les peintures de la nef de Saint-Germain-des-Prés certaines imperfections de détail qui peut-être ne doivent pas subsister ? Quand le moment sera venu pour M. Flandrin de réviser d’un bout à l’autre la tâche qu’il poursuit aujourd’hui sans se préoccuper des modifications partielles et des retouches, qui sait s’il ne fera pas lui-même justice de ces légères erreurs ? Qui sait si ces défaillances actuelles de son pinceau ne se convertiront pas en témoignages nouveaux de force et d’habileté ? La critique n’a pas le droit de réprouver si tôt ce qu’elle n’est pas bien sûre d’avoir à réprouver encore dans quelques mois. Il lui est permis seulement d’anticiper un peu sur l’époque où les beautés qu’elle a pu apprécier se révéleront à tous les yeux, parce que de tels mérites ne sauraient ni s’amoindrir ni disparaître, parce que ces beautés résultent irrévocablement de l’ensemble de l’œuvre, de ses origines, de son caractère essentiel. Si nous n’avons pas cru devoir les relever une à une, nous en avons dit assez pour les faire du moins pressentir. Sans insister davantage sur l’examen d’un travail qui nous autorisait surtout à définir les conditions nouvelles de l’art religieux en France,