Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en rappelant les titres d’un noble pinceau, il est temps de revenir à des questions plus générales et de résumer en quelques mots le sens et la pensée de cette étude.

La peinture religieuse, après n’avoir eu longtemps en France qu’une signification insuffisante ou une importance accessoire, est entrée dans une phase de progrès qu’il ne faut pas exagérer, mais qu’il serait aussi malencontreux au moins de méconnaître. S’agit-il seulement d’un mouvement accidentel dans la marche de notre école, d’une fantaisie heureuse qu’exploitent aujourd’hui certains talens, quitte à laisser demain le champ libre à des fantaisies toutes contraires ? Nous croyons que les efforts poursuivis depuis plusieurs années auront une portée plus sérieuse, une influence plus durable ; nous croyons que le développement de l’art religieux dans le sens des réformes actuelles intéresse trop directement l’avenir pour qu’on puisse commettre la faute d’interrompre, le travail commencé où de déconcerter le courage de ceux qui s’y livrent. Seuls ou à peu près seuls, les travaux récemment exécutés dans nos églises représentent, bien que sous une forme nouvelle, les vieilles doctrines et les traditions spiritualistes de l’art français. La peinture d’histoire, sauf quelques exceptions illustres ou quelques talens dignes d’estime, ne compte plus que des disciples incertains entre leurs devoirs et les concessions que leur impose l’abaissement général du goût. De là cette préoccupation excessive de l’agrément qu’accusent trop souvent les tableaux exposés au salon, de là cette affectation dans le style, tantôt rude jusqu’à la brutalité, tantôt affublé d’archaïsme ou fluet jusqu’à la minutie ; de là enfin les jongleries du pinceau et l’effacement de la pensée, les lourdes contrefaçons du réel en regard des coquetteries d’exécution renouvelées des époques de décadence. Partout la ruse substituée à l’habileté véritable, la volonté d’étonner le regard remplaçant le besoin de satisfaire l’esprit ; partout encore, sous quelque apparence qu’il se produise, le désir d’acheter à bas prix le succès.

Nous ne prétendons pas dire, tant s’en faut, que toute composition sur un sujet sacré se trouve nécessairement exempte des défauts qui suppriment ou qui compromettent aujourd’hui la valeur des œuvres d’un autre genre. Les témoignages ne manqueraient pas pour démentir une pareille assertion, et s’il fallait choisir un exemple entre les plus concluans, un travail qui a été jugé ici même avec une juste sévérité[1], — la Chapelle de la Vierge peinte par M. Couture dans l’église Saint-Eustache, — prouverait de reste

  1. Voyez la Peinture murale dans les églises de Paris en 1850, par M. Gustave Planche, 1er novembre 1856.