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de mers et de sable, le Maroc est le seul que n’ait entamé aucune influence du dehors. La régence d’Alger est entrée, par la conquête française, dans le cercle de la civilisation chrétienne. Dans l’état de Tunis, le bey Ahmed et son successeur, écoutant les conseils de notre amitié, ont doté leur royaume d’utiles et importantes réformes ; la régence de Tripoli même s’ouvre à notre influence et subit tant bien que mal le contre-coup des tentatives de régénération essayées ou annoncées à Constantinople ; devant nos consuls et nos voyageurs, ses villes et ses déserts s’ouvrent avec sécurité. Le Maroc seul, fièrement campé dans l’angle nord-ouest du continent africain, irrité et menaçant comme un lion acculé dans sa retraite, se défend contre toute fécondation de l’esprit. Vains efforts ! les voiles dont le despotisme et la crainte s’entourent avec obstination, l’obstination plus patiente encore de la science les déchire. Tel est le lien des harmonies naturelles que la situation géographique du Maroc, par une latitude et une longitude connues, révèle d’avance la flore et la faune du pays, bases de sa production agricole et industrielle. Quant aux populations, l’identité de toutes celles de l’Afrique du nord permet d’apprécier les indigènes du Maroc, que nous connaissons imparfaitement, par ceux de l’Algérie, qui n’ont plus de secrets pour nous ; l’état social des uns nous révèle la condition des autres.

D’après ces diverses informations, on sait que l’empire du Gharb, le Maghreb ou Maroc, qui embrasse environ 57 millions d’hectares (la France en a un peu moins de 53 millions), est coupé diagonalement du sud-ouest au nord-est en deux moitiés à peu près égales par la haute et massive chaîne de l’Atlas, dont la cime la plus élevée, le Miltzin, atteint 3,475 mètres, presque le niveau du pic culminant des Pyrénées. Une seconde chaîne, moins imposante, mais plus accidentée peut-être, se développe au nord le long de la Méditerranée, dans la direction de l’est à l’ouest, sous le nom de Rif, synonyme du Sahel algérien : on l’appela longtemps le petit Atlas, désignation rejetée par la critique et maintenant abandonnée. De cette charpente orographique dérivent deux versans : l’un, le Tell, exposant au nord-ouest de larges et longues plaines, depuis Oudjda jusqu’à Mogador, interrompues seulement par quelques contre-forts et diverses rivières ; l’autre, le Sahara, déroulant au sud-est d’immenses steppes, entrecoupés d’oasis, et se perdant dans les profondeurs du désert. Dans cette contrée ainsi placée entre le 28e et le 36e degré de latitude, sur la lisière méridionale de la zone tempérée et au seuil du Sahara, règne une climature favorable à une infinie variété de productions naturelles et cultivées : au nord, toutes celles du bassin méditerranéen ; au sud, celles de la région subtropicale, caractérisée par le palmier dattier. Sur les flancs de la chaîne atlantique,