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« Les relations commerciales de la France et de l’Angleterre ont toujours eu un caractère politique. Quelle est l’histoire du système de prohibition qui s’était élevé entre les deux pays ? La voici. Ennemis au moment de la révolution de 1688, les deux peuples ont continué et perpétué leur hostilité par des droits prohibitifs. Et je ne conteste pas qu’ils n’aient ainsi atteint leur but, non au point de vue économique, — à cet égard le système était ruineux pour les deux pays, — mais au point de vue politique. C’est justement parce que cette politique n’a été que trop efficace que je vous invite à la renverser par une législation contraire. Si vous voulez lier d’amitié ces deux grandes nations dont les conflits ont si souvent ébranlé le monde, défaites, dans l’intérêt de vos vues actuelles, ce que vos pères avaient fait dans la logique des sentimens qui les animaient, et poursuivez avec constance un objet plus bienfaisant. Il y a eu une époque où des relations d’amitié existaient entre les gouvernemens d’Angleterre et de France : c’était l’époque des Stuarts, et c’est une sombre page de nos annales, parce que l’union était formée dans un esprit d’ambition dominatrice d’un côté, de basse et vile servilité de l’autre ; mais ce n’était pas l’union de deux peuples, c’était l’union de deux gouvernemens. L’union actuelle doit être, non celle des gouvernemens, mais celle des nations. » Qui n’applaudirait à un vœu si généreux, même lorsqu’on voit M. Gladstone oublier, dans la chaleur du discours, ce que reconnaissait lord Palmerston dans la discussion de l’adresse, à savoir que si la France eût été aussi éclairée que son gouvernement et aussi unie à l’Angleterre en matière de politique commerciale que M. Gladstone le souhaite, ce n’est point par un traité de commerce, c’est par une mesure législative que la France eût abrogé les prohibitions et réformé ses tarifs ?

À tant de talens et de qualités qui le rendent digne d’admiration et de sympathie, M. Gladstone joint une candeur généreuse, qui lui donne l’aimable physionomie d’un Grandison politique. Certes nous ne lui reprocherons point un excès d’effusion, nous qui voudrions de si bon cœur voir ses honnêtes romans transformer la réalité. Nous continuons au contraire à espérer que notre éducation publique gagnera aux réformes économiques auxquelles l’Angleterre nous encourage. Nous voulons croire que la liberté politique, qui seule peut maintenir ces unions de peuples rêvées par M. Gladstone, profitera chez nous des progrès de la liberté commerciale, et nous avons confiance que nous aussi nous serons capables de comprendre et d’applaudir des paroles aussi belles que celles par lesquelles M. Gladstone a terminé son exposé devant la chambre des communes. « En résumé, je puis le dire, j’espère que cette chambre ne reculera pas devant l’accomplissement de son devoir. Après tout ce qu’elle a fait en faveur des masses par le courage et la résolution de ses réformes commerciales, et non-seulement en faveur des masses, mais au profit de toutes les classes, au profit du trône et des institutions du pays, je suis convaincu que la chambre ne refusera pas de marcher hardiment dans la route où elle a déjà recueilli de si honorables récompenses. En agissant ainsi, vous pourrez répandre de nouveaux bienfaits sur le peuple, et les meilleurs des bienfaits, car vous ne forgez pas pour les hommes des soutiens artificiels avec lesquels vous vous chargiez d’accomplir pour eux ce qu’ils doivent faire eux-mêmes ; au contraire, vous élargissez leurs ressources, vous donnez à leur travail toute sa valeur, vous