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dire que les avantages que le traité français promet au commerce anglais se produiront lentement, tandis que les effets de ce traité, au point de vue fiscal, se manifesteront par la diminution certaine et immédiate du revenu britannique ; ils objecteront surtout qu’il est pénible, pour la nation anglaise prise en masse, d’échanger une taxe comme celle sur les vins et les eaux-de-vie, qui n’affectait que les classes riches, qui la payaient volontiers pour leur agrément et leur plaisir, contre une aggravation de l’impôt du revenu, qui pèse si lourdement sur les classes peu aisées. Les membres du parti tory vont se réunir chez lord Derby pour concerter leur conduite dans la discussion du budget anglais. Nous serions surpris s’ils ne s’entendaient pas pour combattre le traité par des diversions cherchées dans la politique, et s’ils ne reprochaient pas au budget de M. Gladstone de préparer dans les finances anglaises la prédominance du système des taxes directes sur le système des impôts indirects, que préconise avec tant d’ardeur l’école de MM. Bright et Cobden. M. Gladstone a prévenu dans son beau discours la plupart de ces objections avec infiniment d’adresse, de bon sens pratique, de chaleur d’âme et d’élévation intellectuelle. Il a d’abord un grand avocat, la nécessité qui a porté les dépenses du gouvernement anglais au point où elles sont arrivées. Il a un puissant appui dans les principes de la liberté commerciale et de la politique financière, éprouvés déjà par tant d’expériences heureuses en Angleterre ; le succès de ces expériences ne lui fournit pas seulement toute sorte d’illustrations lumineuses en faveur de ses argumens, il lui donne la foi dans la réussite finale du système à l’application duquel il met la dernière main. Quels encouragemens dans les exemples qu’il peut citer ! Dans les dix années qui s’écoulèrent de 1832 à 1841, le gouvernement anglais n’avait diminué les droits de douane et d’excisé qu’à raison d’un peu plus de 3 millions par an. Pendant cette même période, le revenu indirect n’augmentait en moyenne que d’un peu plus de 4 millions annuellement, et les exportations annuelles de l’Angleterre ne s’accroissaient que de 38 millions. Quel changement dans les douze années écoulées de 1842 à 1853 ! Le trésor, dans cette période, remet à la consommation une moyenne de 25 millions de taxes par an : le produit des impôts indirects s’accroît annuellement de 5 millions et demi, et le commerce extérieur augmente ses exportations à raison de 107 millions chaque année. Les statistiques de l’income-tax confirment éloquemment ces chiffres. En 1853, trois catégories de revenus sur lesquelles la taxe était perçue, catégories représentant les profits de la propriété foncière, ceux du commerce et des professions, s’élevaient à la somme de Ix milliards 300 millions. En 1859, les mêmes catégories accusaient une somme de revenus de 5 milliards : en six ans, la richesse publique s’était accrue de 16 1/2 pour 100. Après de pareils faits, M. Gladstone n’est-il pas autorisé à présenter la remise de 100 millions de taxes qu’il est disposé à faire cette année comme devant être également féconde et pour le revenu indirect et pour l’extension du commerce anglais ? Sur le traité de commerce, sa grande habileté a été de montrer que de la part de l’Angleterre aucun principe du libre échange n’y était sacrifié, puisque ce traité n’accordait pas de privilèges aux produits français, et que tout ce qui était stipulé en faveur de ces produits serait accordé à ceux des autres nations. Abordant le côté politique de la question, il a dit éloquemment :