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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/1025

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électorale sarde ? L’opiniâtreté du dictateur de Florence, qui jusqu’à présent lui a si bien réussi, triomphera-t-elle encore ? Ces détails, obscurcis par des bruits contradictoires, nous paraissent peu importans. Quels que soient les moyens qui doivent être mis en usage, tout se prépare pour l’annexion. On annonce comme devant paraître incessamment un manifeste du roi de Sardaigne aux populations de l’Italie centrale. Le roi, dit-on, se prononcera dans ce document en termes si formels sur l’annexion, que les assemblées de l’Italie centrale devront regarder leur tâche comme finie. Elles se réuniront une dernière fois pour prendre acte de l’acceptation par le roi Victor-Emmanuel de leurs vœux d’annexion. Elles se dissoudront, et l’on procédera aux élections des députés au parlement piémontais, auxquelles on se prépare partout avec activité. À cette période, l’occupation militaire du centre de l’Italie par les troupes sardes, occupation prévue par les propositions anglaises, aura lieu. Ce sera un moment solennel et grave. C’est sans doute le moment qu’attendra l’Autriche pour lancer sa protestation. Nous persistons à penser qu’elle se contentera de protester, quoique l’ardeur avec laquelle le Piémont pousse ses préparatifs militaires et le travail de ses arsenaux semble annoncer d’autres craintes. On dit en effet que le Piémont achète six mille chevaux et mille mulets, et qu’il a commandé des canons par centaines en Suède et en Angleterre. Nous comprenons que le Piémont prenne ses précautions contre des événemens possibles, bien qu’il ne nous paraisse point que ce soit contre l’Autriche qu’il ait à utiliser immédiatement ces préparatifs. Non, au moment où se fera l’annexion et où s’accomplira matériellement la lésion du droit ancien qui régissait l’Italie centrale, la grosse affaire du Piémont ne sera point encore avec l’Autriche, qui ne lui opposera qu’une protestation diplomatique. La véritable, la grave difficulté se lèvera du côté de Rome. Cette difficulté, qui est prochaine, se présentera peut-être sous deux formes. Il y a des fermens d’insurrections dans les Marches et dans l’Ombrie : ils pourraient éclater inopinément par le fait seul de l’annexion, et amener un nouveau et périlleux démembrement de l’état pontifical ; mais lors même que les exhortations des chefs politiques parviendraient à contenir les impatiences des Marches et de l’Ombrie, il faut s’attendre à une explosion d’un autre ordre. On assure, et nous n’avons pas de peine à le croire, que l’on prépare à Rome une excommunication formelle contre le roi de Sardaigne, laquelle serait lancée au moment où l’annexion se réaliserait par l’occupation piémontaise de la Romagne. On fait courir bien d’autres bruits sur les résolutions extrêmes de la cour de Rome. On va jusqu’à dire que le pape prend ses mesures pour le cas où il se verrait privé de sa liberté, et aurait remis, tant les imaginations exaltées vont loin dans le chimérique et dans l’absurde, ses pouvoirs spirituels au cardinal Wiseman. Ce sont là de tristes et regrettables extrémités qui ne peuvent manquer de produire un grave ébranlement dans le monde moral. Nous avons toujours fait des vœux pour qu’elles fussent évitées, et nous espérons jusqu’au dernier moment que tous les tempéramens possibles seront employés pour les conjurer ; mais ce sont des conséquences qu’il faut bien avoir le courage de regarder en face, quand même on réussirait à les prévenir.

De telles éventualités ranimeront sans doute en Savoie un parti sépara-