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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/108

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plus souvent aux défaillances de ses adversaires encore plus qu’à ses propres forces, ont toujours été précaires. La durée de ses dominations a eu pour limites l’impuissance de ses idées et son incurable inaptitude à concilier les institutions libres avec la paix intérieure, avec le sentiment monarchique du pays. Et lui aussi, dans cette carrière pleine de victoires éphémères et de défaites prolongées, il a eu ses divisions. Les uns ont voulu marcher toujours en avant dans la voie d’un libéralisme indéfini qui allait rejoindre la démocratie pure ; d’autres ont senti la nécessité de se modérer, de devenir plus pratiques, de telle sorte qu’en présence du parti modéré qui périssait de ses incohérences, le parti progressiste est arrivé, lui-même divisé, à la révolution de 1854, héritant à l’improviste d’un pouvoir qu’il n’était pas préparé à recueillir et dont il n’a plus su que faire, placé entre la logique perturbatrice de ses idées et les velléités à demi conservatrices d’une certaine fraction des anciens exaltés. C’est ce qui a fait de cette révolution le modèle des convulsions inutiles, un mouvement sans avenir qui est allé se perdre un jour dans une émeute, au mois de juillet 1856, expirant au bout de l’épée du général O’Donnell.

Je ne suis pas si loin qu’on le dirait de la situation présente ; elle est là au contraire en germe, cette situation, — dans cette impuissance tour à tour constatée des deux opinions à vivre de leur ancienne vie, dans ce fractionnement qui a été l’inévitable origine de combinaisons nouvelles. L’Espagne a offert un nouveau spectacle. Tandis qu’une partie des anciens modérés se laissait entraîner par ses instincts monarchiques jusqu’aux limites de l’absolutisme, que les progressistes les plus ardens, de leur côté, allaient jusqu’au radicalisme démocratique, il se formait entre les deux camps extrêmes pour ainsi dire un terrain vague où se rencontraient les plus libéraux parmi les conservateurs et les plus conservateurs parmi les progressistes. C’est à travers cette série de métamorphoses qu’on voit poindre une idée qui a eu ses orateurs et ses publicistes, M. Pacheco, M. Rios-Rosas, M. Pastor Diaz, qui a rapproché quelquefois dans des alliances passagères des hommes venus de bords opposés, mais qui n’était apparue au premier moment que comme une aspiration inquiète ou comme un thème de polémique. Elle a existé et elle est devenue une réalité politique le jour où elle a eu, elle aussi, ce qui fait vivre tous les partis en Espagne, une personnification militaire. Le général Narvaez a conduit longtemps l’ancien, parti modéré, qui lui a dû un règne prolongé et dont il est peut-être encore l’espoir. Le parti progressiste s’est personnifié dans le duc de la Victoire, qui l’a aidé à vivre et à mourir. O’Donnell s’est fait à son tour le représentant et le chef du parti nouveau