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ou de cette fusion de tous les partis qu’on a appelée l’union libérale. La variété même de sa vie, en lui suscitant plus d’un obstacle, l’appelait peut-être aussi à ce rôle. Par ses traditions premières et par son instinct monarchique, il tient malgré tout au parti conservateur ; par le mouvement d’insurrection dont il prit l’initiative en 1854 et par une certaine solidarité avec l’esprit primitif de cette révolution, il reste lié au libéralisme ; par son caractère et, si l’on veut, par son ambition personnelle, il n’était pas homme à laisser fuir l’occasion de se créer une position distincte et supérieure en politique. C’est ainsi que, profitant des circonstances, le général O’Donnell a pu devenir l’homme d’une situation, le porte-drapeau d’une politique qui n’était ni la politique du parti modéré, ni celle des progressistes, et dont le moindre mérite à ses yeux n’était pas sans doute d’avoir un premier poste à offrir, de n’exister pour ainsi dire que par lui.

Le dernier règne du parti conservateur est peut-être ce qui a le plus servi cette combinaison nouvelle ; il en a du moins aidé l’avènement. À dater du 12 octobre 1856, jour où les modérés retrouvent presque miraculeusement le pouvoir, quelle est en effet la situation de l’Espagne ? Pendant deux ans, on voit les ministères conservateurs se succéder, cherchant partout un point d’appui et ne le trouvant jamais : le ministère Narvaez cédant à un souffle de réaction et disparaissant devant l’opinion, dans une bourrasque d’impopularité (15 octobre 1857) ; le ministère Armero-Mon essayant de donner une couleur plus libérale à sa politique et tombant devant le congrès (14 janvier 1858) ; le ministère Isturiz s’efforçant de concilier toutes les divergences, d’éviter les chocs et les luttes, et toujours prêt à périr de faiblesse. On en était là justement, en 1858. La politique était à bout de voie en Espagne. Le dernier de ces pouvoirs modérés, le ministère Isturiz, vacillait entre toutes les influences contraires, héritier impuissant d’une situation compromise. S’il se laissait aller à l’excès des entraînemens conservateurs, il perdait le prestige et la force morale de la pensée de conciliation qui avait été sa raison d’être à l’origine, et d’ailleurs M. Isturiz n’était point l’homme d’une politique décidément réactionnaire ; s’il faisait un pas vers le libéralisme, il était menacé par le congrès, dont il recevait un appui à demi protecteur, tempéré par la méfiance et nullement sympathique. Il pouvait peut-être ajourner encore les difficultés en se mettant pour le moment à l’abri des querelles parlementaires par la clôture de la session, et il l’essayait en effet le lu mai 1858 ; mais c’était là un expédient qui pouvait tout au plus aider à gagner quelques mois, ce n’était pas une solution. Il l’a mieux : par le fait même de cette clôture précipitée des chambres,