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le ministère avait fait un pas plus décisif qu’il ne le pensait ; il s’était créé d’avance à lui-même l’impossibilité de se retrouver en présence d’une majorité froissée et irritée.

C’est alors que s’ouvrait l’inévitable crise. Cette crise était dans la situation sans doute ; elle était précipitée en ce moment par l’avènement aux affaires d’un nouveau ministre de l’intérieur, M. Posada Herrera, qui entrait au pouvoir avec l’idée arrêtée de prendre entre les partis une attitude plus hardie. M. José Posada. Herrera avait été progressiste autrefois ; comme bien d’autres, l’expérience venant, il n’avait pas tardé à se rallier au parti conservateur. Sans être un homme brillant et fécond en ressources, il avait professé avec talent le droit administratif ; il était en ce moment même fiscal ou procureur-général au conseil d’état, et depuis quelque temps il tendait visiblement à prendre un rôle plus actif dans la politique. C’était un Galicien qui, faute de qualités brillantes, avait la ténacité et l’esprit pratique de son pays natal. M. Posada Herrera avait fait de la suspension des chambres la condition de son entrée au ministère, et il était logique, à dire vrai, lorsque peu de jours après il proposait dans le conseil deux mesures tendant à créer une situation entièrement nouvelle, — la dissolution du congrès et la rectification des listes électorales pour arriver à la formation d’un nouveau parlement. Il pensait, non sans quelque raison, que la clôture précipitée de la session n’était qu’une inconséquence mortelle si elle ne conduisait à la dissolution du congrès, et à ses yeux la première condition d’un appel au pays était la révision des listes électorales, composées de façon à ne donner qu’une représentation inexacte ou incomplète de l’opinion publique. M. Posada Herrera soutenait ces idées avec la hardiesse d’un homme qui voulait marcher en avant sans se laisser asservir aux prétentions ou aux combinaisons routinières des partis, sans dissimuler que désormais il ne voyait pour la reine que deux sortes d’ennemis, les radicaux avec leur chimère de république et les absolutistes avec leur rêve de restauration du passé, — tous les autres, modérés ou progressistes, étant des constitutionnels de nuances différentes qu’on devait s’efforcer de grouper autour du trône par un système de juste et tolérant libéralisme. C’était assez pour ébranler le cabinet en mettant la division entre les ministres. Les uns, — et le président du conseil, M. Isturiz, était du nombre, — eussent peut-être volontiers suivi le ministre de l’intérieur ; les autres se refusaient à sanctionner des actes dans lesquels ils voyaient le désaveu de tout ce qu’avait fait le parti conservateur depuis deux ans. On ne put s’entendre, et le cabinet Isturiz disparaissait après moins de six mois d’existence. Au milieu de ces incertitudes, la reine, prenant un parti décisif, donnait gain de