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une certaine logique des choses ; elle était le corollaire de tout ce qui arrivait depuis deux ans, de l’impuissance du parti conservateur à se reconstituer dans sa force et dans son unité, de l’incohérence du parlement, de cette impossibilité de vivre dont tous les ministères semblaient atteints. Toutes les combinaisons avaient échoué ; les modérés laissaient échapper le pouvoir, les progressistes ne pouvaient l’aspirer. L’avènement de l’union libérale dans ces conditions n’était qu’une expérience de plus dans l’histoire des expériences contemporaines de l’Espagne.

Offrir à toutes les nuances constitutionnelles une juste représentation dans la vie publique, rallier modérés et progressistes, sans distinction d’origine, à un système de libéralisme monarchique indépendant des combinaisons des anciens partis, créer, s’il était possible, un parti nouveau pour une situation nouvelle, en faisant appel au pays et en renouvelant le congrès par des élections, telle était la politique, ou, si l’on veut, l’ambition du général O’Donnell. Le plus difficile pour le moment était d’assurer cette position, un peu en l’air entre toutes les opinions, et dans ce système de fusion universelle, la première, la plus importante affaire, on le comprend, était la distribution des emplois. Aussi, dès son entrée au pouvoir, le cabinet du 30 juin procédait-il à un large remaniement de l’administration, en appelant à toutes les fonctions des hommes de tous les partis. Les principales positions dans l’armée étaient naturellement dévolues aux chefs militaires qui avaient toujours suivi O’Donnell depuis 1854, — aux généraux Ros de Olano, Serrano, Dulce, Echague. Le conseil d’état était reconstitué, et comptait parmi ses nouveaux membres des progressistes comme MM. Luzurriaga, Infante, Lujan, d’anciens conservateurs tels que MM. Pidal, Bertran de Lis, des modérés libéraux comme M. Bermudez de Castro et M. Pacheco. Un ami du duc de la Victoire, M. Santa-Cruz, devenait président de la cour des comptes ; un autre progressiste, écrivain distingué d’ailleurs, M. Modesto Lafuente, avait la direction des bibliothèques, et M. Miguel Roda passait à une des principales administrations financières. Dans une promotion de nouveaux sénateurs figuraient M. Cortina, M. Gomez de la Sema, M. Cantero et le général Prim, à côté de M. Pacheco et de M. Pastor Diaz. La fusion était vraiment complète dans les hautes sphères comme dans les plus obscures régions de l’administration, à Madrid comme dans le reste du pays, et elle était même poussée si loin qu’il l’eut un moment une province ayant tout à la fois un gouverneur civil progressiste, un secrétaire du gouvernement modéré et un commandant militaire vicalvariste. C’était l’idéal du système, et la fusion ici touchait presque à la confusion.

Distribuer des emplois et trouver des hommes de tous les partis