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empressés à les recevoir, ce n’était point cependant la plus grande difficulté. La politique de l’union libérale avait évidemment à se révéler par des actes plus sérieux et plus significatifs, si elle voulait être un système de gouvernement. Elle se manifestait tout d’abord par l’adoption de cette mesure dont M. Posada Herrera s’était fait le promoteur, qui avait hâté la dissolution du ministère Isturiz, par la rectification des listes électorales (décret du 6 juillet 1858). C’était une question assez simple en elle-même, quoiqu’elle ait fait bien du bruit et qu’elle ait suscité les plus vives polémiques. La révision des listes électorales en Espagne doit se faire tous les deux ans. Lorsque la législation de 1845 reparaissait tout entière à l’issue de la dernière révolution, le ministère Narvaez, ayant à convoquer un congrès, se trouvait dans un singulier embarras : les dernières listes dataient de 1853, elles n’avaient pu subir la révision légale en 1855. Telles qu’elles étaient, elles servaient aux élections nouvelles d’où sortait le congrès existant encore en 1858, et ce n’est qu’après ces élections que la révision prescrite par la loi pouvait être opérée par les municipalités, recomposées elles-mêmes. Cette révision datait de 1857. Décréter une rectification nouvelle en 1858, comme le faisait le cabinet O’Donnell à son avènement, c’était, disait-on, une illégalité flagrante. C’était illégal sans doute, mais pas beaucoup plus illégal que le procédé même du ministère Narvaez, et pas beaucoup plus irrégulier que la composition des listes soumises à la révision, ainsi qu’on l’a vu depuis. Ce qui donnait un caractère tout particulier de gravité à cette mesure, c’est le sens que le cabinet nouveau l’attachait, lorsqu’il disait dans son rapport à la reine : « Par malheur, et par une suite de causes dont l’énumération et l’examen seraient inopportuns, c’est l’opinion générale que, depuis l’introduction du système représentatif parmi nous, et quelles que soient les doctrines politiques des partis qui se sont succédé au pouvoir, la volonté du corps électoral a subi fréquemment de funestes restrictions, et les élémens qui, d’après la loi, devaient le composer ont été constamment dénaturés. Les conseillers de votre majesté croient que le jour est venu où doit disparaître un abus qui mine l’existence des institutions, qui tend à favoriser l’usurpation d’un des droits les plus précieux consacrés par la constitution, et à fausser dans son origine l’expression de la véritable opinion publique… » Pour parler ainsi, le cabinet s’appuyait sur des faits qui ont pu être expliqués ou atténués sans être entièrement contestés. Ces listes soumises à une rectification étaient composées de telle sorte que, dans certaines provinces, à Caceres notamment, sur 2,733 électeurs 941 l’étaient sans droit ; à La Corogne, sur 796 inscrits, 300 ne payaient pas le cens fixé par la loi. Que le