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exaltés du progrès c’était l’homme de 1856, qui avait étouffé la révolution, dissous par les armes l’assemblée constituante et la milice nationale, — et l’un des chefs progressistes, M. Escosura, n’avait pas moins d’invectives contre le comte de Lucena que l’opposition conservatrice la plus vive. « Sans discuter longuement ce document officiel, disait-il en parlant de la circulaire de M. Posada Herrera, il est facile de voir que c’est une déclaration de guerre non-seulement au parti progressiste, mais encore aux modérés, aux démocrates, aux absolutistes, à tout ce qui n’est pas le général O’Donnell. Voilà la vérité, telle est la situation. Nous autres Espagnols, nous sommes arrivés à ce point qu’on nous dise : choisissez ; entre O’Donnelliste et factieux, il n’y a point de milieu. » Dans ce camp du progrès avancé se trouvaient, outre M. Escosura, MM. Olozaga, Madoz, Corradi, Calvo Asensio, Salmeron, Aguirre, Sagasta, tous plus ou moins mêlés à la révolution de 1854. Aux approches de l’ouverture du scrutin, une junte progressiste se réunissait, et elle rédigeait, elle aussi, sa circulaire, qu’elle adressait aux électeurs pour leur rappeler les principes du parti. Les progressistes, à vrai dire, relevaient le drapeau de la constitution votée en 1855 et déchirée par l’épée du général O’Donnell, de telle sorte que le ministère se trouvait entre deux foyers extrêmes d’opposition. Et même parmi les hommes des deux partis, modérés ou progressistes, dont il avait fait ses alliés, était-il sûr de trouver toujours un appui bien solide ? Tout indiquait au contraire que progressistes et modérés ministériels n’avaient qu’une foi médiocre en l’union libérale, et se tenaient également prêts à recueillir l’héritage d’une situation qu’ils soutenaient dans des vues différentes ; seulement les uns et les autres ne remarquaient pas que cette situation avait pour garantie la volonté d’un homme d’un caractère difficile à déconcerter, qui avait dit un jour qu’il ne mourrait pas d’une apoplexie de légalité, et qui, en remontant au pouvoir, était assurément décidé à ne rien négliger pour s’y maintenir.

On n’a jamais vu en Espagne des élections tournant contre les ministères qui les faisaient. Le résultat de ce mouvement électoral, arrivé à son terme aux derniers jours d’octobre, reflétait d’ailleurs fidèlement les complexités de la situation nouvelle de la péninsule. L’opposition conservatrice était assez clair-semée. M. Nocedal, qui sous le cabinet Narvaez avait triomphalement conduit le scrutin d’où était sorti le dernier congrès, avait le sort réservé à tous les ministres de l’intérieur espagnols dans les élections qu’ils ne dirigent plus : il ne parvenait pas même à se faire élire à Tolède. L’opposition modérée ne comptait pas plus de trente membres, parmi lesquels étaient le comte de San-Luis, le marquis de Pidal, MM. Gonzalez Bravo, Egana,