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Moyano. Les progressistes purs, plus heureux que dans les précédentes élections, formaient dans le nouveau congrès une petite phalange de vingt membres, dont les principaux étaient MM. Olozaga, Madoz, Calvo Asensio, Sanchez Silva, Sagasta, Aguirre. Le reste appartenait au ministère ou était revendiqué par lui. Il était aisé de voir toutefois que cette majorité, si grande en apparence, se composait des élémens les plus hétérogènes. Il y avait des amis particuliers du général O’Donnell, le groupe distinct de l’union libérale, des progressistes et des conservateurs ralliés, surtout beaucoup d’inconnus et de jeunes gens entrant pour la première fois dans la vie publique.

Le ministère ne triomphait pas moins. La difficulté pour lui, après avoir franchi le défilé des élections, était de maintenir un certain ordre dans cette majorité bariolée, passablement incohérente, dont il était censé représenter les aspirations encore plus que les opinions, et qu’un accident parlementaire pouvait dissoudre à tout instant, si l’on ne mettait un grand art à la conduire. C’est ainsi que partis et ministère arrivaient à l’ouverture du congrès, fixée au 1er décembre 1858. Le cabinet du 30 juin n’avait point assurément accompli de grandes œuvres en politique depuis son avènement. Il avait vécu, il avait mis tous ses efforts à transformer une situation qu’il voulait marquer de son empreinte ; il avait levé l’état de siège dans les dernières provinces soumises au régime militaire ; il annonçait l’exécution définitive du désamortissement civil, des négociations nouvelles avec Rome pour le désamortissement des propriétés religieuses, une loi sur la presse destinée à régler la libre discussion des intérêts publics « sous la garantie du jugement par le jury, » des mesures financières, un grand projet d’améliorations matérielles ; c’était là le résumé du discours par lequel la reine ouvrait la session et où revenait la pensée favorite du ministère. « Une politique prévoyante, disait la harangue royale, qui améliore le présent sans détruire, qui réalise un progrès sûr, quoique lent, dans toutes les parties du gouvernement de l’état, conciliera enfin les esprits de tous les Espagnols, et leur permettra de travailler ensemble à l’affermissement de la prospérité de la nation et de la pratique sincère du régime constitutionnel. »

Une parole de conciliation inaugurait heureusement sans nul doute un parlement nouveau plein de dissonances, où le gouvernement devait être obligé de rallier sans cesse une majorité vivant de perpétuels compromis. Au fond, cette session, qui commençait le 1er décembre, était une épreuve sérieuse pour l’union libérale, elle ne pouvait que dessiner d’une façon plus nette la situation en mettant en lumière l’attitude du ministère, le mouvement des partis,