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le caractère des différentes politiques qui s’agitaient, et en devenant l’occasion naturelle de toutes les explications. On s’expliqua, on s’irrita, et le cabinet restait victorieux à l’issue de cette première mêlée du débat de l’adresse. Le résultat d’ailleurs était moins curieux que la discussion elle-même, où se dévoilaient les vrais rapports, les tendances et les forces respectives des opinions.

L’opposition modérée s’armait la première de tous ses griefs contre le ministère. Par l’organe du marquis de Molins et du duc de Rivas dans le sénat, de M. Gonzalez Bravo et de M. Moyano dans le congrès, elle lui reprochait ses versatilités, ses inconséquences, les innombrables destitutions par lesquelles il s’était signalé, le trouble qu’il avait jeté dans toutes les situations, l’incohérence qu’il avait érigée en système ; elle lui faisait un crime d’avoir rectifié sans droit les listes d’élections et arbitrairement recomposé le corps électoral, d’être irrespectueux pour le concordat, qu’il semblait éviter systématiquement de mentionner en parlant de ses négociations avec Rome, d’acheminer sans le vouloir ou sans le savoir la politique de l’Espagne vers les progressistes. Les modérés de l’opposition tenaient surtout à faire acte de vie, à protester contre l’arrêt de déchéance si souvent lancé par le général O’Donnell contre l’ancien parti conservateur. Les progressistes purs, de leur côté, n’étaient point éloignés de tenir un langage analogue dans un sens entièrement différent. Eux aussi, ils refusaient de se considérer comme morts, et à leur tour ils accusaient le cabinet de faire tout ce qu’avaient fait les autres ministres modérés, d’être aussi arbitraire, aussi violent, aussi restrictif, en ajoutant aux actes quelques promesses illusoires. « L’union libérale, disait M. Calvo Asensio le 23 décembre 1858, a la mission de détruire ; elle n’a rien créé, et elle ne peut rien créer ; elle ne sert qu’à alimenter des espérances chez les plus candides, à offrir un refuge aux fatigués et la pâture aux plus avides. L’union libérale n’a ni traditions, ni histoire, ni principes, et elle ne peut avoir d’avenir. » Il n’en arrivait pas moins que ces accusations, venant d’oppositions contraires, antipathiques, se détruisaient elles-mêmes, et tournaient au profit du ministère. Lorsque M. Moyano, au nom des modérés, présentait un amendement pour rappeler le concordat de 1851, passé sous silence dans le discours royal, l’opposition progressiste votait avec les amis du cabinet. Lorsque M. Calvo Asensio, au nom des progressistes, présentait de son côté un amendement pour réclamer l’extension du droit électoral, et mettait ainsi en cause toute la législation constitutionnelle, l’opposition modérée se retrouvait auprès du ministère ; M. Pidal votait avec la majorité. C’était une sorte d’équilibre ; l’opposition modérée préférait encore le ministère aux progressistes,